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Archive for juin 2013

 

Le cimetière Saint Vincent écrasé de soleil (petite halte chez les Utrillo…), puis la montée, des villas d’un autre temps, cossues, silencieuses, des jardins en fleur, comme dérobés au regard, paraissant à l’abandon de tant vrais, des façades trouées d’oeils-de-boeuf ouvrant sur un « passé présent » opalin au point qu’on le voudrait sans contrats ni références, lierre et vigne vierge montant à l’assaut des murs, pigeons et touristes (une fraction de la deuxième catégorie appartenant au sens figuré à la première…), quelques bons vieux troquets noyés parmi les pièges à gogos, peintres et portraitistes sur la place hors d’âge (les appliqués, les véreux, les flamboyants, les doués, les âpres au gain, se chamaillant, s’interpellant, se confondant), des escaliers à perdre haleine, la cohue de toujours, des boutiques de faux souvenirs que la mémoire rendra vrais un jour, des lithos de Montmartre « made in China », des ruelles que des fantômes ne lassent pas de hanter, ceux de Jean-Baptiste Clément, d’Apollinaire, des gars du Bateau-Lavoir, des communards, de Jeannot Marais, de Poulbot et de ses créatures, de Clouzot, de La Goulue – et puis encore et encore, un peu partout, des théâtres de poche, des boutiques et des créateurs de mode « canaille » (mais altièrement!), des librairies (plutôt de qualité!), des galeries, des artisans d’art, ou tout court, bruts de décoffrage ou alors des plus sophistiqués (mais réussissant à presque toujours éviter l’insupportable côté faussement bohème qui prend si souvent le pas ailleurs), des petits métiers que l’on croyait perdus, des bars où l’on peut, avec un peu de chance, croiser à toute heure des tronches de légende, les cafés branchouilles de la rue des Abesses (beurk! – mais il y en a de bien plus « potables » en montant un peu, vers Tholozé, Burq, Ravignan), le Studio 28 se rappelant à mon bon souvenir, la descente par Lepic, Caulaincourt et Damrémont, les baguettes « tradition » dans une main, « 2666 » fièrement dans l’autre (en collection de poche, cadeau pour mon neveu, moi j’ai l’authentique, le tatoué, celui qui demande des aptitudes en haltérophilie pour le soulever), la tant attendue pénombre de la chambre…

[ (NOTA DU 28/06/2013): J’ai refait le même trajet. Sauf le mois, rien n’a changé. Rien ne changera. Jamais. Je n’ai même pas honte de vous avouer que je m’en réjouis…]

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 Mathieu Brosseau

Cher ami

« Sottises, sottises! Cela ne m’intéresse plus! »
(phrase attribuée à Rimbaud par Germain Nouveau)

Dans « Cher ami », superbe et terrible texte paru fin janvier, Mathieu Brosseau ne dit pas vraiment autre chose – sur d’autres bases, bien sûr, avec d’autres présupposés et dans un tout autre contexte. Texte extraordinaire de lucidité, fouillant, éviscérant à l’Opinel les mensonges, illusions, fantasmes et hypocrisies du milieu, du « métier » et de l’époque, et Dieu sait s’il y en a…
Mais il y a des lieux, des territoires, des recoins où je ne le suivrai pas: certains, parce qu’à mon âge c’est trop loin et trop dur, d’autant que le risque est grand de finir par conforter, dans le meilleur des cas d’oblique manière, certaines des illusions auxquelles l’on voudrait par ailleurs tordre le cou – d’autres, parce qu’on ne peut pas, que l’on n’a nul besoin d’aller là
où l’on se tient déjà, depuis toujours…

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Il y a quelques temps ans de cela, nous lisions dans les pages littéraires d’un grand quotidien du soir (depuis belle lurette déjà pas plus monde des livres, hélas, que le journal en question livre du monde…) un article traitant des «Onze» de Pierre Michon.
La chroniqueuse et écrivaine en charge de la chose – et sur laquelle je m’étendrai peu, sauf à dire que son nom est celui d’une fameuse actrice et surtout chanteuse de caf’conc’ de la Belle Epoque et qu’elle est, à l’évidence et pour notre plus grand malheur, plus au fait des grands prosateurs britanniques du XVIIIème siècle que de leur confrères français, nos contemporains – y exprimait sans fard, nonobstant le fait que le roman dont il était question n’avait rien à y voir, sa conviction que « le grand art » ne saurait surgir qu’à condition de « récuser toute emprise généalogique (le roman sexuel, familial, villageois, c’est à dire communautaire, donc mortuaire », réceptacle, de sa part, d’un mépris aussi absolu que définitif  s’escrimant à effacer, d’un revers de la main et sans l’ombre d’une justification, d’une interprétation, d’un déchiffrement, toute une famille d’écrivains englobant, outre Michon, Pierre Bergounioux, François Bon, Gérard Macé, et j’en oublie, coupables sans doute d’avoir fait surgir sur le devant de la scène – de surcroît de magnifique façon formellement – ces destins singuliers sur lesquels on a pendant si longtemps fait silence ou défiguré ceux qui en étaient les protagonistes sans qu’ils l’aient choisi, ceux-là même dont on a, pendant tout aussi longtemps, noué, déformé ou nié la voix et l’histoire, ces hommes et ces femmes qu’on a, depuis toujours et sans vergogne aucune, appelés «gens de peu»…
Qui n’a pas vu, lu ou entendu, ici ou là, d’autres railleries, d’autres sourires en coin du même acabit?
À ceux qui les profèrent, nous sommes nombreux à vouloir rappeler que c’est en parlant d’abord des siens qu’on parvient à s’adresser à tous, que ce n’est pas pour rien que la machine à aliéner globale rabote, oublie et fait oublier, rectifie et uniformise par le bas, que c’est son boulot puisque le marché nous veut lisses, transparents, sans poids ni aspérité, tout comme c’est son boulot également de tenter à préserver le masque du «grand bond en arrière», celui qui, au mépris de ce que Bergounioux appelait à juste titre «passion française», à savoir l’égalité, ne fait qu’accroître, ouvertement ou insidieusement, les empêchements de toute sorte (sociologiques, politiques, idéologiques, économiques, culturels) se dressant sur la route de ceux qui, appartenant au grand nombre, s’évertueraient, en dépit de et contre tout, à devenir ce qu’ils n’ont pas moins que d’autres droit et vocation d’être…
Nous leur disons, nous, merci…
Merci de nous avoir aidé à comprendre – contre les préjugés du global, les dédains qu’ils engendrent, les dépossessions qu’ils gèrent – que, oui, il y a, et il y aura toujours, des territoires, des appartenances, des langues, des heures pétries et des étendues à préserver, voués à qui et à ce qui perdure, et perdurera, tant qu’il y aura des hommes dignes de ce nom…
Merci de nous avoir aidé à marteler dans nos têtes que nos pensées, nos morts, nos voeux, nos luttes, nos contemplations et nos refus nous appartiennent…
Merci aussi de nous avoir fait voir qu’il n’y a – contrairement à ce que l’on nous assène à longueur de journée, et parfois par certains des nôtres – de fracture qui ne s’appuie quelque part sur la transmission de ce qui nous fut donné en partage, de vraie rupture s’arrachant totalement aux filiations et aux héritages – pour peu, bien entendu, que l’on s’inscrive dans le temps long, le seul qui vaille, et non pas dans celui des modes et provocations futiles…
Merci encore de vos écrits, dont on reconnaît d’emblée et pour chacun le grain, la résonance, la pigmentation, la vibration…
Merci de nous avoir montré sans donner de leçon qu’aucun acte n’est dû, que le mystère est en nous, pas dans nos mots, qu’il nous faudra encore, et pour longtemps, soupeser les choses et les fins, rapprocher ce que le temps durcit et sépare…
Merci enfin de nous avoir fait sentir que le regard ne saurait respecter l’Autre s’il prétend ou s’imagine fonder ce qu’il vise, que l’obscur n’a pas d’ennemis, des contradicteurs seulement, et que c’est très bien ainsi…

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À Gabriela Trujillo, affectueusement

Fin 1985, le libraire et antiquaire Alberto Casares décida d’exposer l’ensemble des premières éditions des oeuvres de Borges.
L’inauguration eut lieu le 27 novembre 1985. (le lendemain, Borges, très malade déjà, s’envola vers l’Europe en compagnie de Maria Kodama, pour finalement s’éteindre à Genève le 14 juin 1986 – ce qui fait que l’après-midi où celle-ci eut lieu fut le dernier qu’il passa dans son pays et dans sa ville natale, entouré de ses chers livres et de ses amis, dont, bien entendu, Bioy Casares.)
Borges signa des autographes, bavarda avec les habitués, donna, comme à l’accoutumée, l’accolade à Bioy, et le fit, raconte Alberto Casares, « comme s’il ne devait plus jamais le revoir. Mais personne ne prit la chose trop au sérieux, parce qu’il nous était impossible d’imaginer que Borges ne fût pas immortel. »…

 

 

C’est avec une énorme émotion que je m’y rendis et j’en sortis – tout aussi ému, et heureux – non pas avec le bouquin de Macedonio Fernandez que je cherchais (introuvable même là-bas, sauf dans une deuxième édition que l’on m’offrit à un prix sans doute justifié, mais exorbitant), mais avec « El forajido sentimental – incursiones por los escritos de Jorge Luis Borges » de Fernando Sorrentino lequel, je vous l’assure, valut à lui seul le voyage…

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« Pourquoi devrais-je jouer à l’imbécile de Romain et mourir
De ma propre épée. Tant que je vois des hommes debout et vivant, les blessures
Leur vont plus à eux qu’à moi. »
Qui parle, Macbeth, ou l’un des grands et petits satrapes, en place ou la convoitant, ici, là, partout, et même ailleurs? Shakespeare était vraiment génial, plus encore que je ne le pensais…

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