Le cimetière Saint Vincent écrasé de soleil (petite halte chez les Utrillo…), puis la montée, des villas d’un autre temps, cossues, silencieuses, des jardins en fleur, comme dérobés au regard, paraissant à l’abandon de tant vrais, des façades trouées d’oeils-de-boeuf ouvrant sur un « passé présent » opalin au point qu’on le voudrait sans contrats ni références, lierre et vigne vierge montant à l’assaut des murs, pigeons et touristes (une fraction de la deuxième catégorie appartenant au sens figuré à la première…), quelques bons vieux troquets noyés parmi les pièges à gogos, peintres et portraitistes sur la place hors d’âge (les appliqués, les véreux, les flamboyants, les doués, les âpres au gain, se chamaillant, s’interpellant, se confondant), des escaliers à perdre haleine, la cohue de toujours, des boutiques de faux souvenirs que la mémoire rendra vrais un jour, des lithos de Montmartre « made in China », des ruelles que des fantômes ne lassent pas de hanter, ceux de Jean-Baptiste Clément, d’Apollinaire, des gars du Bateau-Lavoir, des communards, de Jeannot Marais, de Poulbot et de ses créatures, de Clouzot, de La Goulue – et puis encore et encore, un peu partout, des théâtres de poche, des boutiques et des créateurs de mode « canaille » (mais altièrement!), des librairies (plutôt de qualité!), des galeries, des artisans d’art, ou tout court, bruts de décoffrage ou alors des plus sophistiqués (mais réussissant à presque toujours éviter l’insupportable côté faussement bohème qui prend si souvent le pas ailleurs), des petits métiers que l’on croyait perdus, des bars où l’on peut, avec un peu de chance, croiser à toute heure des tronches de légende, les cafés branchouilles de la rue des Abesses (beurk! – mais il y en a de bien plus « potables » en montant un peu, vers Tholozé, Burq, Ravignan), le Studio 28 se rappelant à mon bon souvenir, la descente par Lepic, Caulaincourt et Damrémont, les baguettes « tradition » dans une main, « 2666 » fièrement dans l’autre (en collection de poche, cadeau pour mon neveu, moi j’ai l’authentique, le tatoué, celui qui demande des aptitudes en haltérophilie pour le soulever), la tant attendue pénombre de la chambre…
[ (NOTA DU 28/06/2013): J’ai refait le même trajet. Sauf le mois, rien n’a changé. Rien ne changera. Jamais. Je n’ai même pas honte de vous avouer que je m’en réjouis…]