Les plus âgés ne s’en souviennent peut-être plus, les plus jeunes ne le savent sûrement pas, mais les années ’70 (oui, oui, celles-là mêmes, la route, les festivals, les communautés, le shit, et au-delà) étaient aussi celles, disons, non pas d’un égoïsme, mais d’un individualisme effréné, tu arrivais, tu saluais à la ronde, tu posais ton baluchon, s’il y avait un pétard qui circulait t’avait droit à tes taffes, on te demandait rien, tu posais pas de questions non plus, s’il avait une nana ou un mec qui te bottait et si s’était réciproque ça se faisait nonchalamment, on acceptait tout, on comprenait tout, on tolérait tout, mais il fallait pas espérer qu’on s’intéresse vraiment à toi, qu’on aille plus avant dans les relations, qu’on t’aide s’il y avait des trucs qui n’allaient pas, « ça, c’est ton problème, mec » était le grand mot d’ordre, de ce côté-ci je ne peux pas dire que j’en ai vraiment la nostalgie, toute la merde qui nous a tombé dessus dans les années ’80, et après, lorsque le rhizome s’est mué en tumeur, le « jouir sans entraves » en pâle (et parfois sale) obligation, tout, dis-je, jusqu’à la boue multiforme et multitâches qui nous submerge aujourd’hui, était déjà là, en oeuf, en matrice, en germe, en couveuse, ne croyez pas tout ce qu’on vous dit, c’est dans les années ’60 qu’on a pensé, dit, écrit ce qu’il fallait pour qu’un jour ce « cauchemar climatisé » s’achève enfin.
(2012)
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