Il y a, s’agissant de littérature, des choses que l’on sait, ou que l’on croit savoir, depuis longtemps (depuis toujours peut-être…) Puis on les oublie, elles s’ensablent, se rident, se perdent dans la sereine grisaille des jours et des travaux, jusqu’à ce que, sans crier gare, sans que l’on sache ni pourquoi ni comment, au gré d’une lecture qui arrive à la « bonne heure », sienne et pas autre (mais pourquoi là? pourquoi ainsi?), elles reviennent avec vigueur et aisance, s’installent comme chez elles, tout autant aveuglantes que le nœud en vain serré, la saccade, le levier, la prouesse sans mesure qui leur furent (mais par qui?) une fois pour toutes confiés… Je n’en parle point par hasard et sans raison, cela m’arriva ce matin même, j’étais plongé dans la lecture de quelques admirables textes de Laurent Grisel (quelques-uns engagés dans le meilleurs sens du terme), il y eut un instant comme dilaté, sans bornes, et je sus à nouveau que la seule mesure de toute littérature digne de ce nom, ce n’est rien d’autre que sa capacité, comme le disait somptueusement Tabucchi, à « nous faire faire un voyage circulaire au terme duquel nous arrivons peut-être à être vraiment face à nous-mêmes. Sans savoir qui nous sommes. »
[…] lecture d’un opus d’un ami littéraire (ami tout court, pour tout dire) prolongea et affina ma réflexion : « Il y a, s’agissant de littérature, des choses que l’on sait, ou que l’on croit savoir, […]