Chez Muñoz, tout départ est faux départ, toute image coup d’oeil dernier, sans effroi, vide d’enchainements, peu doué pour la dilacération et le paroxysme, toujours à braconner dans l’eau touffue qui l’enserre, éparpillant les traces, déguisant les enjeux, déjouant les appels à témoin, tout support, toute inscription refus de la mémoire de soi et son exaltation, repli du miroir en qui le multiplie, enracinement d’une forme bien à lui de convoquer le couple oubli/rappel, consciente, vigilante, à la fois tenue pour inexorable et combattue pied à pied, présence qui s’efface, s’effrite, se décompose, se déploie et se dénonce, épiant indéfiniment ses effondrements et reculades, reprenant sans désemparer plans, leurres, traits, reflets, tracés, esquives nous abusant, dispensant comme en apesanteur leurs dons et aléas…
Ce qui au regard s’offre n’est ni résolu, ni borné, ni simple détour par l’incertain, ni dette envers ses mues et dérives, pas même insatiable saturation du Même, mais bel et bien ce Réel où rien n’est offert et tout à rebâtir, dedans et malgré ce temps qu’on fascine dans l’espoir de le voir fléchir, se dissiper et se soumettre, se déployant dans ce qui n’est ni construction, ni mythe ni artifice, mais suspicion que rien n’allège, métastase nouée au soupçon qui ranime la vision, mais ne s’en rassasie que pour l’accompagner là où la lumière même s’essouffle, s’éteint, s’écoule dans un gargouillis sans fin…
Narcisse à soi-même mystère, idole aux marges rongées, noircies, image empêtrée dans son meuble mutisme, dérobée à l’instant de son assomption, sans trêve dissuadée du consentement, sauf celui qui excède ses propres traces, ce désir dont il est enfin permis de dire qu’il existe, mais qu’il n’est pas – intact, mais pas indemne…
Mémoire jamais mûrie, morcelant cette promiscuité avec le Dehors que l’acte de dévoiler et cacher forge et rassemble, transperce et gouverne, image ni inféodée à l’objet, ni réglée par le sujet, qui n’est pas prédicat que l’on saurait extorquer à l’outil forgé ou aux fétiches des preuves, mais échos d’une métaphore, c’est-à-dire d’un éclair, et d’une impasse…
Votre commentaire