À Christine Jeanney et à Christophe Grossi, en attendant l’improbable…
« Ces yeux ne t’appartiennent pas…où les as-tu pris?…(IV, 5) »
(Lautréamont)
Superbe galerie reliant les calles Florida et San Martin, « la » Güemes est un véritable personnage de l’un des plus polyphoniquement élaborés récits de Cortazar, « L’autre ciel »: tout comme sa « parente » et partenaire parisienne, la galerie Vivienne, « passages » (dans tous les sens du terme) entre lesquels circule le héros, jeune courtier en Bourse dans le Paris de 1870 et le Buenos Aires de 1945, et les univers parallèles où il évolue.
Temps et espace fracturés, distordus, failles permettant le perpétuel franchissement, de l’éveil au rêve, du réel à l’imaginaire, du monde des morts à celui des vivants, incertitude de la présence, présence de l’inattendu, nous faisant subtilement accepter, kaléidoscope de doubles et de miroirs, l’absolue étrangeté de par laquelle rencontrer Ducasse et, peut-être, l’ombre de Maldoror (« d’une certaine façon, nous avons déjà reçu ce qui n’est pas arrivé ») nous apparut, « passé téléscopé par le présent », comme la chose au monde la plus facile à accepter…
« Où sont-ils passés, les becs de gaz? Que sont-elles devenues, les vendeuses d’amour?…(VI,1) »
(Lautréamont)
(galerie Güemes, Monserrat, mars 2012)
À Chloé Davis, malicieusement
À Dominique Hasselmann, en amitié
« Entre las muchas maneras de combatir la nada, una de las mejores es sacar fotografías. » / « Une façon, entre mille, de combattre le néant, c’est de prendre des photos. »
(Julio Cortazar: Las babas del diablo / Les fils de la Vierge)
« O make me a mask and a wall to shut from your spies »
(Dylan Thomas)
Photographier, c’est TOUJOURS voir ce que l’on ne « devrait » pas, capter ce qu’il ne « fallait » pas; tout photographe le sait (et nous avec pour ce qui est de ces images) Aux autres de nous aider à découvrir ce qui – du monde, des êtres et des choses – se cache derrière ces apparences que le mystère du regard approche sans jamais dénouer…
« Va-t-on se laisser guider par les étoiles, la boussole, la cybernétique, le hasard, les principes logiques, les raisons occultes, les lames du parquet, l’état de la vésicule biliaire, le sexe, le tempérament, les pressentiments, la théologie chrétienne, le Zen Avesta, la gelée royale, le guide des chemins de fer portugais, un sonnet? »
(Julio Cortázar)
« Creo que sé mirar, si es que algo sé, y que todo mirar resume falsedad. » / « SI tant est que je sache faire quelque chose, je crois que je sais regarder, tout comme je sais que tout regard est entaché d’erreur. »
(Julio Cortazar: Las babas del Diablo / Les fils de la Vierge)
(en descendant la Defensa en direction de la plaza Dorrego, San Telmo, mars 2012)
Rien n’a changé, et c’est bien! Quel soulagement de ne rien attendre, ni du nom qui ne se peut écrire, ni du tournant dernier lové dans l’ajout, le défi, l’accroc rugueux, la soudaine paroi d’ombre…
(septembre 2014)
les photos s’agrandissent aussi dans notre esprit…