« Ògún laka aye
Osinmole
Olomi nile fi eje we
Olaso ni le
Fi imo bora
La ka aye
Moju re
Ma je ki nri ija re
Iba Ògún
Iba re Olomi ni le fi eje we
Feje we. Eje ta sile. Ki ilero
Ase. »
(prière en yorubá à l’heure d’accueillir le dieu Ogum)
« Oyà A To Iwo Efòn Gbé.
Oyà Olókò Àra.
Obìnrin Ogun,
Obìnrin Odé.
Oya Òrírì Arójú Bá Oko Kú.
Iru Èniyàn Wo Ni Oyà Yí N Se, Se?
Ibi Oya Wà, Ló Gbiná.
Obìnrin Wóò Bi Eni Fó Igbá.
Oyà tí awon òtá rí,
Tí Won Torí Rè Da Igbá Nù Sì Igbó.
Héèpà Héè, Oya ò!
Erù Re Nikan Ni Mo Nbà O.
Aféfé Ikú.
Obìnrin Ogun, Ti Ná Ibon Rè Ní À Ki Kún
Oyà ò, Oyà Tótó Hun!
Oyà, A P’Agbá, P’Àwo Mó Ni Kíákíá,
Kíákíá, Wéré Wéré L’ Oyà Nse Ti È
A Rìn Dengbere Bíi Fúlàní.
O Titi Tí Nfi Gbogbo Ará Rìn Bí Esin
Héèpà, Oya Olómo Mesan, Ibá Re Ò!
(prière en yorubá à la déesse Iansã)
Pour qui a parfois coutume de rester entre chien et loup à ne rien faire (sinon penser, ou danser avec les ombres, ça lui arrive!), puis de marcher (toujours longtemps, souvent seul), à qui de surcroît le privilège de croiser en sa bonne heure le candomblé fut concédé (même et surtout s’il toujours fut autre et ailleurs), la rencontre avec Exú fut inévitable. Dieu des chemins et des carrefours dans le panthéon syncrétique afro-brésilien, messager des dieux auprès des hommes (et inversement), il est celui qui va partout où aller se peut, et par l’invocation duquel toute fête commence, afin de s’assurer sa bienveillance. Son goût du désordre et de la provocation, sa rapidité, sa sensualité exacerbée, son indécence et les aspects phalliques qui le caractérisent, son penchant excessif pour la cachaça, son manque de scrupules, ses astuces et facéties, son humeur imprévisible, son « invisibilité », la violence dont il est capable si d’aventure on l’oublie ont souvent conduit les ignorants (colonisateurs en Afrique, maîtres des esclaves déportés ailleurs) à le confondre avec le Diable, ce qui est une totale absurdité pour qui connaît un tant soit peu la spiritualité yorubá, pour laquelle un dépositaire ou une incarnation du Mal absolu est tout simplement inconcevable – alors que les convergences, affinités et correspondances avec Hermès sont si intenses, si aveuglantes que je m’étonne qu’on ne les ait pas bien plus tôt perçues. Hermès lui-même, oui, guide des héros vers le royaume des morts, dieu du mouvant, du caché, de la parole, des pérégrinations et des échanges, des prostituées et des voleurs comme du savoir obscur et du chiffre des choses – mais aussi de l’habitat au sens fluide du mot, le « topos« , ce Lieu que Agamben nous incite somptueusement à voir « comme quelque chose de plus originel que l’espace« , ou alors, à la suite de Platon, peut-être « comme une pure différence », dotée cependant du pouvoir de faire en sorte que « ce qui n’est pas, en un certain sens, soit et qu’inversement ce qui est, en un certain sens, ne soit pas ».
Dans un rêve, je les ai vus, les pourvoyeurs de chance, rieurs, insaisissables, plus proches encore des humains que ne le fut chacun dans sa respective constellation, s’éloignant ensemble jusqu’à se confondre. Ce fut il y a longtemps, mais je n’ai jamais oublié cette nuit-là, où bien avant que l’ADN ne vienne le confirmer, j’ai su, d’un savoir que j’ai pressenti plus ancien que leur naissance, que nous sommes, et toujours fûmes, une seule et même chose, accueillant lorsque sonne l’heure les dieux qui descendent et entrent en nous, prennent possession de nos corps pour que, le temps d’un temps qui ne se peut ni ne se doit peser ou mesurer, l’Univers et nous-mêmes soyons ce que nous n’aurions jamais dû cesser d’être.
(2012)
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