Oublier: acte qui rend gorge à la parole, pénombre qu’on ne possède pas plus qu’elle ne délivre, mais qui exorcise l’évidence de l’heure, et ses scories – en ces lieux même où elle se fait présage défiant la mort sur ses terres, trompe-l’oeil qui en enjambe le bref vertige, le désarme, l’entrave dans ses filets…
Ce qui se tient devant t’enferme, partie de cache-cache exigeant la duplicité d’une durée sans raccord qui t’abolirait, disséminerait, s’acharnant à habiter l’horizon de ton éloignement, enfin dépouillé de toute image, recoin qui n’en appelle qu’au témoin dont la méfiance est dérobade, traversé qu’il est, et abîmé, par ce souvenir qui l’enchâsse, et dont il ne maîtrise plus rien…
Temps figé, qui fait signe par-delà le vécu, de par cette feinte même qui en sait toujours moins que ce qu’elle éclaire, poussant à franchir la porte au-delà de laquelle se tient ce qui dévoile, et tue…
Proximité qui corrompt, miroitement d’épiphanies, trace complice du mensonge qu’elle livre: ni relique, ni récit, mais silence garant de l’épars qui chancèle pour enfin faire cesser, préserver ce qu’il trahit, jouer avec l’instant qu’il ruine au lieu d’en prendre appui…
Scrupule, arrière-plan perdu en ses scories, cheminant sans rassembler les jetées et les royaumes qu’il croise, là où l’intrus y a sa place, et le ciel cru, haute mer où le regard ne « parle » qu’au passé, suée bredouillant, coulée inféodée aux haltes du désir labourant le tracé du cortège, puis le deuil de qui saurait l’entraver…
Clairière octroyée, aplomb se dérobant, touffe d’obscur que les ronces dévorent, rets qu’on relâche, égarés dans le rebut, os de seiche trahissant les domaines de celui qui par deux fois s’ensauvagea, se baigna, s’aveugla – toujours dans le même fleuve, la même ingérence qui déborde…
De cette mémoire sans égards ni butées ne reste que la voix qui s’entête à dire, à forger, bien avant l’oracle, les réponses qui te prennent en charge: ni pourvois, ni mesures, mais les traces « vierges même répétées », le sang prodigue, pèlerin inclément qui fouaille, puis s’éloigne, ébruitant le berceau sans tutelle, l’échéance qu’on ne fait reculer que pour la vaillance de l’écoute, la lassitude de l’affût et la culbute de l’heure…
Mémoire du chasseur, du devin qui hèle, murmure à l’oreille, ressassant l’histoire des autres jusqu’à la faire sienne: pesée des caps, frayeur pourvoyeuse des seuils qu’apostrophe l’étendue qui rien n’amasse, sauf l’écart, l’outil et l’illusion…
Mémoire engluée, lointaine, mensonge tout à ta poursuite au point d’en oublier le « pourquoi »; feu-follet te reniant, te séparant de toi-même; secret exténué, là où il n’y a plus rien à retisser et tout à redire; ombre sans prosélytes, qui dépose tes foulées, règle l’embarquement des masques, le geste du chaman qui s’élance, retaille la source, cisèle l’errance, lave les morts des libres domaines mercenaires…
Magritte toujours m’agrée.
(de canard?)…rsrsrs
@ Rougier : oui mais celui du doute (Lautréamont).