« Dis-moi quels sont les livres qui t’emballent, te scrutent, te lèvent, t’assaillent, te déboulonnent, te veillent, te déchirent, t’accroissent – et je te dirai qui tu es. »
Je l’ai toujours pensé, je le pense plus que jamais, sûr de n’avoir nullement à rougir de ceux qui m’accompagnent dans mon périple brésilien: « Soleil gasoil » de Sébastien Ménard, « L’élargissement du poème » de Jean-Christophe Bailly, « Crash-test » de Claro, « Extraterritorialité (essai sur la littérature et la révolution du langage) » de George Steiner, « Danube » de Claudio Magris et « Les longs silences » de Cécile Portier.
« Un temps long avait passé, aussi peu racontable que l’oubli. Vous le savez: n’existe que ce qu’on dit. Ni vous ni moi ni personne n’existons sans réciter notre existence; même au quotidien; il faut se raconter pour naître; même une chose il faut la relater pour qu’elle ait lieu. »
(Michel Serres)
Et cela est vrai de tous les écrivains, TOUS, sans exception, qu’ils en soient conscients ou non, qu’ils l’admettent et l’acceptent ou non, que ce soit par des voies obliques et détournées ou en le revendiquant ouvertement, c’est ce qu’ils font, tous, et ne font QUE cela, même et surtout lorsqu’ils semblent s’accomplir dans l’ailleurs et parler d’autre chose…
Lorsque chez toi l’espoir de temps dignes d’êtres vécus s’en est allé, raclé jusqu’à l’os, rongé jusqu’à la moelle, c’est auprès de ces êtres âpres, drus, clairs et joyeux que sont les « sans-terre » brésiliens que tu le retrouves, eux dont tu te sens aussi proche que de ton sang, eux qui le raniment à chaque instant, le portent, en vivent, te le font revivre…
« Si tu n’espères pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas. » (Héraclite)
(Brasilia, janvier 2016)
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