Écrire, c’est faire de l’enjeu plus qu’un jeu, que le fétiche qu’on feint de discerner, captif qui s’ajuste au regard adossé à l’imposture déguisée en arsenal de fulgurances.
Écrire, c’est accueillir ce qui, mué en prodige, se met en marche vers nous, nomme, désigne et revendique, s’incurve en trace, desserre l’ordre des temps, prive l’étendue blessée de toute retraite.
Écrire, c’est prendre ses distances avec ce qui abaisse et cloître, plie et enserre, mutile l’illusion du hasard, abolit le chiffre qui fait défaut, rabat l’écart sans issues autres que la trahison et l’oubli, fuit l’avènement du Tout-Autre, au profit du Même.
Tel est le lot de qui écrit sans se retourner sur Eurydice, tel est le lieu que rien n’enrobe, ne voile, n’ensevelit, morcelé, béant, broyé, détour à ses mesures le protégeant du dispersé, de l’intangible, des mises en murmure, des docilités de l’appel à porter au crédit de cette parole allant « de seuil en seuil« , sapée sans trêve, murant jusqu’aux rognures, déjouant ce qui ne s’en ira plus, les courbes premières, les effigies ternies, les feuilles dans le lointain, l’ombreuse brièveté des signes.
JOURNAL D’UN AFFRANCHI (CCXXIX): Écrire (XVIII) – L’enjeu
10 mai 2016 par Rougier
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