Lune des charbonniers, silence assujetti à son double, au feu irréfléchi rêvant des Dioscures, de ces faucons errants qui toujours te baignent dans leur proximité, dans leur éloignement…
Que redescende l’ombre qu’on peut blesser, la naissance comme retour, la mort comme intuition…
Ce qui jamais ne devient toujours est.
C’est l’heure de dire ton nom le plus obscur, pudeur des stèles où l’enfant s’arrime aux feintes nuits des sables, ce qui toujours s’échappe dans ce que nous écrivons ou aimons, glissant, tâtonnement voilé, vers la seule façon d’arpenter la lisière…
Suspension dans l’illimité, dans ce qui n’est ni source, ni fruit, ni fin, qui n’existe ni en soi, ni en nous, ni en l’autre, mais qui demeure dans nos entrailles, comme le scolyte dans le bois…
Mésuser du temps je ne puis : là-bas il y avait les gelées et les étés et les morts. Ici, il n’y a que moiteur et lumière vierge, comme la veille, comme toujours…
Tu es le non-né, celui qui ne passe pas, seigneur de toutes mouvances, éperon de ton propre canevas…
Il n’y aura plus de minutes, ni d’heures, ni jour, ni nuit. Il n’y aura plus de saisons. C’est ce que tu voulais : qu’il ne reste rien. Plus de décor, plus de coulisses. Rien.
Le voyage s’étira, mais tes heures, on le sait, s’écoulent avec lenteur. Les années empilées n’amplifièrent ni n’obscurcirent ce que tu vis alors. Il faisait presque nuit lorsque tu franchis le portail au-delà duquel se trouvait rassemblée, depuis et pour toujours, la vie vraie : l’odeur de viande embrochée, les arbres, les chiens, le crépitement des branches sèches, le feu qui joint les hommes…(par et avec Borges)
Instants sauvés du désastre, desséchés, gauchis, tordus, portant ta signature, et c’est tout. Le reste, l’arrière-plan, la croûte, la face en vain quérie, le nom des envasements et des caprices, ce vil cortège s’efface, t’offusque et disparaît, le temps te file entre les doigts comme du sable, comme l’aube du coq ouvrant sur le vide…
Fumée d’Ithaque : rétrécir peu à peu l’espace à sa taille…
Rien ne te sépare du dehors, de l’attente égale en ses instants comme l’étendue en ses points, exerçant la même pression lisse, sans égards, sans retenue…
Haïr la haine de l’Autre – ce feu pervers qui brûle avant tout celui qui l’allume.
Le vrai lieu est un : les autres sont trop près, trop loin, trop haut ou trop bas. Le vrai temps est un, où rien ne s’effrite, ne s’effrange, ne se brise ni se perd. Ce que tu appris te fut compté à charge…
Du serpent la dernière joie : nous rappeler (oublieux même de nous tenter, de nous enténébrer ) que c’est la connaissance qui mène à l’innocence, le mal de fortuitement s’enfoncer dans la nuit en s’enrichissant des lentes leçons de ses caprices…
Tout être possède ce que l’autre n’a pas, furtive réalité qui leur ressemble et s’en réchappe…
L’impatience, l’excès de zèle inné te poussèrent à céder à la tentation – c’est ta spécialité , ça, céder aux tentations,– puis à dépuceler le temps, le combler, l’avilir à chaque pas, le faire repousser comme l’herbe après les fenaisons…
Le sens , ce qui en toi prend fin, décharge son fardeau près de cette lisière que tu ressens comme le froid, la peau, qui soulage, rend léger, te rassemble et te délivre avec des mots qui enfin n’adhèrent plus aux choses…
(São Luis(MA), Brasilia (DF), Barcelone, Londres, Caux (34), Prague, Buenos Aires, Paris, d’autres villes, d’autres verres, de 1999 à 2014)
Tout être possède ce que l’autre n’a pas. Je ne le croyais pas, mais je dois admettre l’évidence : En fait de verres je reste ivre de mots et ne pige rien. Pardon. J’abîme vos mots avec mes lectures inutiles. Je m’abstiens désormais. Promis.
Vous n’abîmez rien, vos lectures ne sont guère inutiles, ne soyez pas en colère, ni contre vous, ni contre moi, cela me ferait de la peine si vous vous absteniez…
Plus jamais de ma vie je veux faire de la peine à quiconque. Plus jamais.