Galerie Les Filles du Calvaire, Paris
« Dans le poème, ce n’est pas tel individu seul qui se risque, telle raison qui s’expose à l’atteinte et à la brûlure ténébreuses. Le risque est plus essentiel; il est le danger des dangers, par lequel, chaque fois, est radicalement remise en cause l’essence du langage. Risquer le langage, voilà l’une des formes de ce risque. Risquer l’être, le mot d’absence que prononce l’oeuvre en prononçant le mot commencement, c’est l’autre forme de risque. Dans l’oeuvre d’art, l’être se risque, car tandis que dans le monde où les êtres le repoussent pour être il est toujours dissimulé, nié et renié (en ce sens, aussi, protégé), là, en revanche, où règne la dissimulation, ce qui se dissimule tend à émerger dans le fond de l’apparence, ce qui est nié devient le trop-plein de l’affirmation, – mais apparence qui, cependant, ne révèle rien, affirmation qui rien n’affirme, qui est seulement la position instable à partir de quoi, si l’oeuvre réussit à la contenir, le vrai pourra avoir lieu. »
(Maurice Blanchot)
Jouer (sauf à la roulette ou, plus âprement, à la roulette russe) n’est pas risquer. Jouer, comme le font les enfants, est chose sérieuse, mais dont le risque n’est que l’inconsciente insouciance de l’âge. Si l’oeuvre n’est que jeu, elle m’en tient éloigné, inexorablement. D’obscure manière, je le savais depuis toujours, mais ne l’ai compris que sur le tard, lorsque la volonté et le courage de le dire n’avaient plus de raison de faire défaut. Et il en sera ainsi, jusqu’à la fin…
« Comment nous attarder à des livres auxquels, sensiblement, l’auteur n’a pas été contraint? »
(Georges Bataille)
Tout comme lui, cela fait un long moment que (à de rares, mais notables exceptions près) je ne m’attarde que dans le voisinage d’oeuvres non soumises à des contraintes préétablies, alors que l’auteur, lui, le fut, de secrète et incisive manière, à la plus haute et libre d’entre elles: faire oeuvre, et que celle-ci soit ce qu’elle se devait d’être, quel qu’en soit le risque encouru, fût-il silence, solitude, effacement…
Votre commentaire