Revenir sur tes pas, ne donnant et ne prenant que ce temps auquel les signes pesants ont renoncé, qui t’éloigne sans te contraindre, te traverse sans te vouer, désespérément, à l’Unique…
Donner à lire, c’est permettre et non transmettre ; voilà pourquoi il n’y a pas, n’y a jamais eu de RÉEL : parce qu’il n’y a pas de faits, seulement des interpolations…
Naïve vanité que de croire que les choses ont mieux existé quand tu les as mises en mots.
Seul le déni nomade demeure… Ce que tu fais, c’est toujours pour l’Autre : les marques, les incisions, les gestes…
Bénie impuissance des mots, accouplement qui nous ignore…
Du monde dont tu t’es détaché, du geste qu’il t’adressa, ne restera qu’une image, une trace imperceptible… Royaume double, royaume mort, masque de plâtre.
Le désir n’est pas vierge, il ne s’appartient plus, il est à qui en clôt la torsion, là où dire n’est pas faire, pas encore, sauf à frôler le pressenti comme tremplin, comme soubassement, comme entrailles…
Des trois pesées, la plus légère est celle dont tu es aujourd’hui l’unique dépositaire, sans pouvoir avec quiconque la rejoindre : les autres sont morts ou doublement effacés depuis si longtemps que si tu les rencontrais, vous n’auriez même pas à faire semblant de ne pas vous voir…
Choisir c’est refuser: monde qui n’est que s’il est traversé, traces s’amenuisant peu à peu, préservées des jougs, des salissures, de la mémoire multipliée en les restituant, car sans recours ni échos ni témoins est l’issue…
Ne s’aboucher qu’au Tout, jamais à ses ébats…
(Libre, comme s’il était soudain devenu ce pur voyeur jamais blessé par ce qu’il démêle ou appréhende…)
Vain espoir que l’oubli nous oublie, legs tordu, passage des captifs, apaisement de qui réapprend, où ceux qui mirent le feu toujours s’enfuient devant nos flammes…
(Aigu du désir, de ce que tu nies et déchires pour aller au-devant du gardien des louanges, du guetteur de l’épars, tremplin du tisserand d’ombres, qui ploie, qui danse…)
Tu sais qu’il n’y a rien à comprendre, c’est là ta paix, et ton triomphe. Mais à quoi bon si les autres toujours te questionnent, rouvrent ces blessures qui te firent adultes, te poussant dans cette histoire qui sinon n’en serait pas devenue une, oublieuse d’elle-même, ne s’éprouvant que dans le désaveu…
(2001)
Votre commentaire