Proche est le terme, puisqu’à tes côtés la nuit des marécages guette, arrachant au visage soupçonné la clé des bans, l’enclos piétiné, les crinières baies, l’ombre des lances, les pas multipliés…
Gauche, oscillante fumée où nous goûtons la durée pliée à l’état pur, ce qu’on appellera bonheur plus tard, avant de tâtonner dans l’encre de seiche, de toucher aux brouillards, de se forger des attitudes…
Brèche ouverte dans tes remparts, devinant et colmatant celles de l’oubli, elle qu’on ne parachève qu’une fois, poreuse aux complots, précieusement précaire, scellant les confins que tu guettas, pétrifiés en une seule béatitude…
Guet, déni, prélude, rangée de tournesols muets, pals, puanteur, poussière à chaque pas soulevée…
Ce n’est qu’une heure plus tard, ou demain, ou dans un an, à la prochaine saison des pluies (le temps, ici, ne se compte pas) que viendront s’ébrécher les murmures aux touffes de gentiane ou de genévrier exhalant leurs dorures d’alchimie, trappes ou rejets, miroirs inachevés en germe, mutilés comme dans l’ombre ultime…
Ne redouter que cela, l’énigmatique copulation de la créature et du guérisseur, voix sourde mêlée à tes échos, étrave dernière sur laquelle tu vins courber tes gestes, les resserrant, les figeant avant que la pourriture ne vienne noircir l’air, ternir l’image…
Tout là-haut, chemins de ronde, meurtrières, murs fauves, vaines empreintes… Plus jamais tu ne regagneras la rive, dans le cliquetis des bracelets et des joncs, à l’aube où les soupirs se taisent de part et d’autre (loups, scribes, empailleurs, funambules, barbiers, charmeurs de rats, apprentis-bourreaux…)
Sur le quai, l’enfant jetant des pierres dans l’eau croupie : elles sautent, claquent, font deux ou trois ricochets avant de disparaître. Pour toujours.
Un cri bref, puis le silence, lente couche de poussière couvrant le sentier, les feuilles que chaleur tord. Ça et là, fragments, palissades, troncs, glaisières oublieuses de l’heure, celle qui n’extirpe mais t’omet, poids sevré des choses que le réel efface…
Qui te saisit à la gorge ? Qui te cloue au sol ? Qui te poignarde ? N’est-ce pas cela l’avenir, silence coagulé, pénombre cendrée qui te protège des hébétudes et des créances?
Tu flamberas, flétriras, oublieras : les trépas, les duels, les fers, les espaliers, les fagots, les prunelles, les terreaux affleurant, le dos effrangé, les galets qu’à chaque reculade tu éboulais avec ce cri séparant tes yeux de l’écume, fucus démis des liens, heures vouées aux fers, au ressac, à l’ortie…
Vaine parole qui te venge des chronologies, te répand dans la distance, enrichi de la milice des ténèbres, des fournaises qui te frôlent comme à jamais, toi et tes rugissements, tes dagues, tes voltiges…
(2004)
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