Rien ne s’est passé, rien ne nous appartient, ni la marche, ni le pain, ni le lit, ni la cruche.
Le fleuve caché court comme le silence, lui qui ne sait ni ne doute, lui qui jouit de la lenteur des choses, des semailles, des abris, des fruits tombés cette nuit, des clefs infatigables, lui qui démêle le pourquoi du comment, traque et consume l’impatience, le châtiment et le tumulte, la partition immédiate, le louange terrassé, nos vies parmi les ruines.
Les cigales savent combien on est seuls, séparés de qui navigue en nous, de ce qu’on démantèle, qui nous cingle le visage, qui nous est propre, caché sous l’oreiller, oublié à l’arrière: la désobéissance à découvert, la perte tournée au levant, les faveurs qu’on s’épargne, les veines du bois, les naufrages rebâtis, les chasses vacantes, les dettes des formes, l’instant prodigue, de l’aboi des chiens le partage embaumé, de l’ordre les joyaux inégaux, l’enfilade des couloirs, l’épée des origines, les toits décapités, les deuils que nos gelées épaississent…
Le meurtre enraciné, aligné, accompli, précis comme la poussière, comme l’araignée profuse aux faîtes du jour, qui l’a vécu, et à quoi bon? Pour quelle étroite mesure et pour quels legs nos plaies et nos courroux, l’absence pendue au cou, passée au fil de l’issue aveuglante?
Pour ce qui est des Autres, seuls les écrits qui, désobéissant au temps, surent nous foudroyer nous accompagneront jusqu’à l’heure du Grand Trekk, et il y en eut peu, fort peu: les Imployables.