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Archive for juin 2018

Au réveil, les sirènes.
Leur chant qu’on déchiffre,
Qui en vain nous aguiche:
« Puisque tout est jouet,
Jouons à modeler dans nos forges
Les artefacts que les temps appelent
De leurs pauvres voeux:
Hiéroglyphes, devinettes,
Griffes et chaînes,
Pentacles et miroirs,
Chambres noires et apnées,
Serpes et poisons.
Et puisque
anges et mages ne sont plus d’époque,
Soyons ce qu’on peut,
Mimes, fildeféristes et funambules,
Ce que les jeux veulent qu’on soit.
Rien d’autre. »
Nous, on les écoute en silence,
Sachant qu’on ne sait que partir,
Même bridés que nous sommes par
Ces murs chaulés, ces territoires
Que l’agilité seule apaise, elle
Qui caresse des serpents les secrets
Parmi les sureaux et les ombres,
Les pierres et les chiffres,
Des nuits qui ricanent les joies à venir,
Et les départs, ô les départs…

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Exige tes gages et va-t-en, loin de ces poitrines de rechange, de ces festins de tatouages, des orques frottant leurs hanches sur tes talus, de ce que du poing l’on brise, là où l’avant-printemps se tait, étrangle les mensonges qui giclent des seuils, fais du temps ce prêté-rendu qui ne raconte ni ses jeux, ni ses fins, la gnôle bue sur les trottoirs brûlants, l’aigu des cages, les couteaux qu’on détrousse, les bornes, les tessons, les bandelettes, les souches empilées, la hiérarchie des fautes, les étais, les délais, les abris, les promesses, les flaques aveugles, la biographie des potences, les gestes à épousseter, le piétinement coincé que soutiennent tes marionnettes, obturant des tanières les parfaites certitudes, des cargaisons de malheur les cicatrices bénévoles.
Toutes raisons sont bonnes raisons pour boire et oublier le pourquoi des choses: l’araignée des débuts en haut des marches – le bleu qui rechigne à s’offrir – le sillon traîné comme par devoir – l’horloge des tours qui te fixent et t’allègent – les témoins collés à ces vitres, ces trous de serrure, ces lisières resserrées – les limaces d’aucun lieu, affamées à voix basse – les crêtes nouées à l’aiguille absente – les canifs ambulants jamais dupes de leur rouille – les cercles qui t’avouent – les labyrinthes, les pluies menues et les cadrans bâillant – les sirènes agitant leurs chandeliers – les bords blessés des langues (leurs entrailles exhibant la vague rumeur qui médira de tout) – les lambeaux souillant tes bavardages – les traces affranchies du lisible – les pas retroussés,  fidèles à qui te trahira, aux vérités mûries dans l’ortie, aux mousses des routes, aux cadastres perplexes, à ces galets que dessèche le pressentiment qu’en vain tu toises…

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Que de merveilles ne nous étions-nous promis d’accomplir!
Que de promesses ne nous sommes-nous faites!
Toutes pareilles à tant d’autres, sans but ni raison, faites de mots sur le qui-vive, jamais joints pour la louange, les tains souillés et les aigres refus, les aguets et les lèpres, les lignages en loques, les tours de guet et les rouvraies, la stricte ordonnance des harnais, et les scories, et les approches, et les révélations, et les cendres du temps, l’écluse rouverte sans faire d’histoires, les ruses sévères et qui nous en délivre, les fracas que bravent nos consignes, la fumée des charbonniers marchant dans le silence noirci d’ingratitudes, l’instant sans limite qui rien ne concède et rien n’impose, le souvenir de l’espoir toujours ajourné par ces imposteurs effaçant nos buées sur les vitres…
Lorsque tout aura été accompli, la mêlée achevée, et les intrus chassés, et l’aube enfin antérieure, et le travail désordre lunatique, nous nous en irons loin des flibustiers comme des embaumeurs, nous disparaîtrons faits douleur dans la chair drue de la parole, entaille inscrite, non pas pour la jouissance par procuration de la catin édentée qu’ils nomment gloire ou pour l’extase des meutes, mais pour y reconnaître et rencontrer nos semblables et frères, le sillon pas à pas creusé, ici et là piétiné déjà, recouvert et furtif, comblé même, mais serpentant encore dans la distance, pas pour nous perpétuer, nous, mais ce que nous avions de toujours rêvé qu’il fût – cela seul, rien d’autre.

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   Malcolm Lowry

   Dylan Thomas  

Écrire ne met pas à nu les brèches où l’on respire.
Écrire ne sert donc à rien (s’en abstenir non plus).
Les mots n’ont pas d’obscurs pouvoirs (surtout pas ceux de passe)
et c’est en vain qu’ils accompagnent les humains où ils se réfugient
quand ça devient trop dur: les cathédrales, les manifs, les bordels,
les ZAD, les replis, les cortèges de tête, les fumeries,
les cellules où l’on se rétracte, les librairies où l’on fait le pitre
devant une poignée de convaincus qu’on remercie d’exister (la plus belle
déclaration d’amitié qui soit, aussi vraie qu’inutile).
Nul remords, nous avons pourtant essayé, nous avons cru bien faire:
tout voir, tout lire,
tout boire, tout effacer, tout éprouver, « étreindre la réalité rugueuse », comme nous l’enjoignit l’adolescent par qui tout arriva
(et rien aussi, car de réalité il n’y a point – que le Réel, là où, qu’on le veuille ou non, « ça cogne »).
Il ne reste alors qu’à nommer les choses avant que le patron nous crie « on ferme »!:
le mutisme des grognards ne livrant plus bataille,
les fléaux, les môles, les multitudes, l’oeil reptilien guettant
la rauque naissance des fleuves, les témoins montant obstinément la garde,
les brasiers, les hameçons, les sépultures, les eaux intactes,
l’exil à l’affût
 des caprices de la route, les temps qui s’escriment à venir,
traînant caravanes, griffures, chiffres et remparts,  bouteilles vides,
craquements et  semences, et la fétide haleine de ceux qui tirent les ficelles,
et les fruits pourrissant, lents et fugaces comme les rages et misères d’où nous n’irons nulle part,
où nous ne ferons plus rien d’autre que nous branler devant la Camarde,
dans l’espoir 
qu’effarouchée elle s’en aille et cesse de nous harceler,
car c’est vivre qu’il faut, si on sait, si on peut, oublier les envols à deux sous,
rendre au pacte qui nous déshabite sa vraie place, et se taire.

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Quelle langue parler, nous qui n’avons rien à demander, nous que plus rien n’effraie désormais?
Plus rien, pas même l’obscène évidence des départs, l’égarement des verres et des miroirs, l’aube aveugle lavant ce port qu’on pressentait ultime et qui n’est qu’ignorance et illusion, le manque qui restitue et dévore, mais qu’on ne saurait prêter, la croisée d’algues et l’ardoise indécise, la nuit agile désertant hasards et ressacs, nous déshabituant de celle qui vient…
Assis dans un recoin du temps qu’on a envie d’ajourner, nous dérobant aux saillies boueuses, à cet appel qui toujours en annonce d’autres, nous nous écarterons enfin des seuils, et des vestiges, et des passages, de cette respiration que l’on reconnait lentement, du lit invisible où gisent nos épitaphes et nos coïts de contingence, de la fatigue sans phrasé ni visage qui sans cesse nous déchiffre, nous contredit, nous contamine…

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