Cela seul, gargouilles avariées, syllabes rauques, alchimies repues que l’on invoque pour que tu reviennes, vires, exploses, joues avec cette nuit à tant d’autres semblables, brève et poreuse, sans endroit ni envers, sans avers ni revers, mais par toi mise debout, ambage soustraite aux harnais, sable roussi où les mots pèsent mille images…
Ce fut la dernière fois (si j’efface ce qu’il faut me effacer, ce pourquoi je vomis la mémoire) que je t’ai vu vivant; l’on m’annonça ta dernière fugue et je sus que ton départ n’était que farce soustraite à nos jeux, coup de dés giclant, interrompant les coups d’aile…Nul besoin qu’on m’en parle, je ne le sais que trop que tout le monde meurt: les heureux, les aigris, les génies, les débiles, les forts, les tristes, les parfaits, les joyeux, les barbus, les laids, les renfermés, les pervers, les grands, les imberbes, les petits, les puissants, les retors, les beaux, les chauves, les purs, les malheureux, les sublimes, les faibles, les sereins, les salauds, et ceux comme toi meurent aussi, et puis merde, c’est ce qu’on a envie de dire, c’est ce que j’ai dit, rien d’autre…
Mais je ne veux pas oublier trois ou quatre lettres, ni le télégramme naguère bleu, aujourd’hui jaune ( « temps et distance me font comprendre que nous ne nous sommes pas perdus»), ni les verres bus jusqu’à l’aube, replis convoités, brèches de délié au creux tacite du lierre…
JOURNAL D’UN AFFRANCHI (CCCCXCII): L’ami retrouvé
15 novembre 2018 par Rougier
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