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Archive for février 2020

« Dans l’espace neutre de toute une fiction occidentale à la fin de la modernité, un pronom sans personnage pourrait dire; « Je parle parce qu’il n’y a plus d’être. »
Apparaît alors un discours qui a son lieu hors de la vérité, des valeurs et des systèmes, sans mythologie, sans rhétorique, un discours du vide, de l’oubli, de l’attente sur un rivage où jamais rien n’arrivera, un discours sans conclusion et sans image, sans vérité ni théâtre, sans preuve, sans masque, sans affirmation, libre de tout centre, affranchi de patrie et qui constitue son propre espace. » (Michel Foucault)

« Il est cette vie en tant qu’elle sort de son inhérence et de son silence, que sa différence la plus propre cesse de jouir d’elle-même et devient moyen de comprendre et de faire comprendre, de voir et de donner à voir [*] » (Maurice Merleau-Ponty à propos du « schéma intérieur » de Van Gogh)

« Nous suivons tous un chemin excentrique, et il n’y a pas d’autre voie pour aller de l’enfance à la complétude. » (Hölderlin)

« Nous ne pouvons interdire que ce que nous pouvons nommer. » (George Steiner)

« Rien n’est changé dans l’acte proprement dit après un pardon: ni les circonstances, ni la gravité, ni la culpabilité, ni la blessure. Rien, sinon la relation entre le bourreau et les victimes, quand les victimes réaffirment leur souveraineté, selon la formule d’une vieille prière anglaise, « sans peser les mérites, mais en pardonnant les offenses ». Le pardon est une prérogative de la victime, non un droit du bourreau [*] Il n’accorde pas l’oubli. » (Alberto Manguel)

« La volonté de réconciliation avec le monde qui préside à l’écriture n’est jamais à la mesure de l’extrême retranchement de celui qui s’est mis en situation d’écrire. » (Pierre Michon)

« [*] oui, la reconnaissance existe, mais pas où on la cherche. Elle ne vient pas après coup, ni des autres. Elle vient d’ailleurs, et pendant qu’on écrit, quand ce qu’on écrit est une grande lanterne éblouissante et non pas cette vessie dégonflée qu’est un livre fini.La reconnaissance, c’est peut-être, c’est assurément, quand seul on écrit, dans la grande émotion d’écrire, dans cet état entre rire et sanglot qui trouve ses mots [*] » (Pierre Michon)

« Il y a une sorte de bêtise, ou d’inélégance, dans la littérature qui semet à penser autrement que par métaphores [*] (Pierre Michon)

« C’est quand même pas possible un monde où on a trouvé le moyen de dresser les uns contre les autres au point que chaque nouvelle génération est totalement affrontée à la précédente sans ces espèces de petites rencontres épiphaniques qui font que, quand même, quelque chose passe [*] (Pierre Michon)

« Eh bien, chaque fibre du corps de Rimbaud, sa vie même le prouve assez, portait tatoué: « Mort à l’auteur »; son corps savait que l’écriture est une fouterie, un rond de jambe, des rinçures comme il disait; et pourtant il ne fut que cela, auteur, en cela il fut des meilleurs, et je crois pouvoir dire que même dans ses épiceries du fin fond de la brousse éthiopienne, il le savait, il ne savait que cela [*] (Pierre Michon)

« Je ne me mets pas à ma table tous les matins, je ne travaille pas de manière raisonnable. J’attends le texte [*] Contrairement à beaucoup d’écrivains qui s’en sortent en écrivant dix pages tous les jours, je ne suis pas graphomane [*] (Pierre Michon)

« Quand on porte la langue à un tel point de perfection, à ce point d’incandescence absolue, sans doute sait-on que ce qui parle à votre place, c’est le Grand Maître, c’est la mort. Le Herr absolu de Hegel. Quand on écrit ainsi, on est traversé par la mort, et certainement que, dans la répulsion qu’avait Flaubert pour lui-même et pour son écriture, il y a cela: la perfection passe par une sorte d’intériorisation du Grand Maître. On tient la faux. On ne peut pas ne pas s’en vouloir de prêter voix à cela, qui est proprement la mort dans le langage [*] (Pierre Michon)

« L’écriture est une pratique de retranchement, de rupture, une pratique solitaire [*] (Pierre Michon)

« Les bûchers n’éclairent que les ténèbres. » (Stanislaw Jerzy Lec)

« [*] le vertige lucide d’une langue qui essaie de redéfinir le monde tandis qu’elle se redéfinit elle-même avec la pleine conscience que, dans un âge encore incertain, la clé de la révélation du monde ne peut être trouvée dans la ligne droite, mais bien dans le labyrinthe [*] (Umberto Eco)

« [*] le frémissement avec lequel nous percevons les frontières ambiguës entre fiction et réalité [*] (Umberto Eco)

« [*] ce qu’on peut imaginer existe toujours, à une autre échelle, dans un autre temps, à la fois précis et lointain, comme dans un rêve [*] (Ricardo Piglia)

« Dans un univers saturé de livres, où tout est écrit, on ne peut que relire, lire autrement [*] (Ricardo Piglia)

« on donne à lire non seulement pour séduire, mais aussi pour maintenir à distance [*] (Ricardo Piglia)

« Celui qui perd détient la distance qui lui permet de voir ce que les triomphateurs ne voient pas [*] (Ricardo Piglia)

« L’homme est au sens le plus littéral un zoon politikon, non seulement un animal sociable, mais encore un animal qui ne peut s’isoler que dans la société. » (Karl Marx)

« E.M. Forster imagina, dans « Aspects du roman », tous les romanciers de différentes époques en train d’écrire en même temps à la table d’une bibliothèque avec toute la littérature à leur disposition. une idée qui, bien sûr, s’oppose à la notion d’histoire littéraire ou de progrès, à l’idée de linéarité et de hiérarchie; tout élément du passé peut être utilisé comme s’il était neuf [*] (Ricardo Piglia)

« L’être nous accable de sa contrainte aveugle et prodigue. Il est toujours « en excès » [*]
Par-delà le bien et le mal, au-delà de la raison et de toute responsabilité sociale et éthique, se déchaîne le besoin de créer, d’engendrer des formes [*] (George Steiner)

« [fonction et but de l’oeuvre selon Hölderlin]: « rendre présent ce qui n’a pas de limite. » (George Steiner)

« Il se peut que, d’Homère à Borges, toutes les fictions durables connues de la littérature soient, dans leur essence catégorique, des histoires de fantômes. » (George Steiner)

« Un poème de Celan est un absolu, bien que lui-même en soit venu à postuler et à décréter sa réalisation impossible. C’est un absolu brouillé avec le langage, brouillé avec l’entreprise littéraire; brouillé avec les critères et les pratiques dominants de la communication [*] » (George Steiner)

« L’auteur n’est pas mort, mais se poser comme auteur, c’est occuper la place du mort. » (Giorgio Agamben)

« [*] présence parente, tout du long talismanique, mais toujours à renégocier [*] » (George Steiner)

« L’ « ébriété » de l’heure créatrice, le vertige autistique qui est le lot de toute pensée soutenue de quelque envergure ne va pas sans gueule de bois. La solitude redouble avec l’engendrement. Quelque chose d’essentiel et d’organique a été arraché [*] » (George Steiner)

[Nota dans le blog à l’intention de celles et ceux qui s’interrogeaient sur la signification du mot « erreur » dans le titre de ce que sera (peut-être, un jour) un livre: le mot concerne, éventuellement, l’auteur, ses choix et ses interprétations – et en aucun cas les citations, émanant sans exception de gens que, littérairement et philosophiquement, je respecte et j’admire (ce n’est pas toujours le cas sur le plan politique, loin s’en faut – mais c’est une autre histoire), citations dont certaines, se suffisant, sont destinées à apparaître telles quelles, sans rajout ou commentaire d’aucune sorte, alors qu’avec d’autres j’amorcerai un respectueux dialogue virtuel. Il fallait que cela soit précisé, voilà, ça l’est!]

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« L’esprit du monde, c’est nous dès que nous savons nous mouvoir. » (Maurice Merleau-Ponty)

« L’homme planétaire n’est qu’un parcours, une flèche, la voie elle-même, orientation plutôt que tracé, itinéraire plus qu’histoire avec ses inscriptions. » (Henri Lefebvre à propos de Kostas Axelos)

« Le centre n’est pas nécessairement un espace restreint; au contraire, il peut atteindre une étendue considérable dans l’espace imaginaire ou réel. » (Paolo Santarcangeli)

« Un instant – oui, mais total. » (Victor Segalen)

« Mais parler de l’art, à cette heure, serait une ironie par trop cruelle; jadis, il fut libre; ensuite, il fut protégé; aujourd’hui, il est toléré; demain, il sera interdit. Pratiquons-le encore, mais en secret; en des catacombes, comme les premiers chrétiens, comme les derniers païens. » (Rémy de Gourmont)

« Il y a eu la montée et l’éclat, le MOT. Et puis soudain le silence, la torpeur, la nuit sans nouvel espoir, sans sommeil. Rien ne retient et ne fixe. Rien d’un accomplissement. L’Ode, qui fut, s’est enfuie; n’est plus.Son retour: il ne faut pas le susciter trop vite. » (Victor Segalen)

« Léger est le sommeil dans les étendues nomades. » (Ossip Mandelstam)

« A line, a white line, a long white line / A wall, a barrier, towards which we drove » (T.S.Eliot)

« [*] aucun ordre n’est innocent [*] (Alberto Manguel)

« La réalité est aussi mince que du papier et trahit par toutes ses craquelures son caractère imitatif. » (Bruno Schulz)

« L’instant où l’on s’appartient [*] (Victor Segalen)

« Il n’y a pas de retour, puisqu’il n’y a pas eu d’éclipse [*] (Pierre Michon)

« Mal inspiré celui qui se crierait son propre contemporain. » (Mallarmé)

« Tous les grands textes que je lis me font cet effet. J’ai l’impression que leur auteur en maîtrise totalement la formulation, mais ne maîtrise pas le savoir qui est au coeur de cette formulation: comme si certaines phrases avaient le don d’enclore à la fois une extrême force émotionnelle et un mystère total, comme si le langage avait parfois des noeuds [*] (Pierre Michon)

« La littérature s’organise comme une pseudo-théologie, où on célèbre un univers entier, sa fin et ses commencements, ses rites et ses hiérarchies, ses êtres mortels et immortels. Tout est exact et tout est faux. » (Giorgio Manganelli)

« Je ne retourne à rien, je continue. je laisse en moi continuer ce qui s’est toujours passé en littérature, et comment pourrait-il en être autrement? La table rase est une bêtise, nous avons lu, [*] nous écrivons sur et avec la littérature universelle, nous ne passons pas par-dessus. Nous imitons, oui, comme on l’a fait depuis le début, nous imitons passionnément et en même temps passionnément nous n’imitons pas: chaque livre, à chaque fois, est un salut aux pères et une insulte aux pères, une reconnaissance et un déni [*] (Pierre Michon)

« Le douloureux émerveillement que nous procure chaque lecture des grands tragiques, c’est que leurs héros, qui auraient pu échapper à un destin atroce, par faiblesse ou aveuglement, ne comprennent pas vers quoi ils vont, et se précipitent dans l’abîme qu’ils ont creusé de leurs mains [*] Contre notre désir de changer le destin, ils nous font toucher du doigt l’impossibilité de le changer. Et ce faisant, quelle que soit l’histoire qu’ils racontent, ils racontent aussi la nôtre [*] nous apprennent aussi à mourir[*] (Umberto Eco)

« Sur quel intime foutoir l’oeuvre jette-t-elle son masque ravissant? De quelle noirceur fondatrice l’oeuvre doit-elle payer le prix? » (Pierre Michon)

« La lecture fortuite, fragmentée, sans intention préalable et non linéaire, où le sujet trouve toujours ce qu’il cherche, est une preuve de sa vérité [*] » (Ricardo Piglia)

« [*] une voix chuchotée au-dedans qui semble venir d’ailleurs [*] » (Pierre Michon)

« Comme chez Hamlet, comme chez Don Quichotte, la mélancolie est d’une certaine façon liée à la lecture, à la maladie de la lecture, à l’excès de mondes irréels, au regard caractérisé par la contemplation et l’excès de sens [*] » (Ricardo Piglia)

« Ne cherchons-nous pas simplement à réorganiser en d’autres motifs les pierres de la mosaïque: une mosaïque de sens, d’associations, de paradigmes et de figurations héritée et recomposée au fil des millénaires? » (George Steiner)

[Nota dans le blog à l’intention de celles et ceux qui s’interrogeaient sur la signification du mot « erreur » dans le titre de ce que sera (peut-être, un jour) un livre: le mot concerne, éventuellement, l’auteur, ses choix et ses interprétations – et en aucun cas les citations, émanant sans exception de gens que, littérairement et philosophiquement, je respecte et j’admire (ce n’est pas toujours le cas sur le plan politique, loin s’en faut – mais c’est une autre histoire), citations dont certaines, se suffisant, sont destinées à apparaître telles quelles, sans rajout ou commentaire d’aucune sorte, alors qu’avec d’autres j’amorcerai un respectueux dialogue virtuel. Il fallait que cela soit précisé, voilà, ça l’est!]

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[Pourtant], avec un peu de chance, on peut ne plus revenir. En envisageant un aller simple, en demeurant résolument en un lieu que l’on ne quitterait plus jamais ou en s’éloignant irréversiblement vers un horizon frôlant la fiction. Mais qu’elle soit hors du temps, contre le temps ou en dehors de l’espace, la fiction ne fait pas voyager. Au contraire, elle est le produit d’un voyage impossible. Elle ne fait qu’exacerber en nous le sentiment d’être immédiatement ramenés au lieu même de notre départ, comme si nous ne nous fûmes jamais éloignés. Voyager n’est pas forcément aller vers l’inconnu. Car s’il est des lieux inviolés encore, il n’est pas sûr que l’idée que nous nous en faisons de l’inconnu ne soit pas tarie par le fait qu’elle n’est qu’une figure du connu. » (Vafi Vadsaria)

« Il est possible de montrer d’une autre manière que l’effet inévitable du partage d’un secret (primaire) est la production d’un secret secondaire. Une fois communiqué, le secret devient donc le support d’un rapport social à trois termes: le détenteur A l’a confié au dépositaire B à l’exclusion du destinataire C. Cependant, ce modèle ternaire ne rend pas compte de la conséquence – et de la condition principale de la communication, à savoir qu’elle implique non seulement un choix préalable de contenus – des contenus secrets refusés au destinataire C – mais également un choix (synchronique ou historique) de personnes: des personnes que le détenteur élève au rang de dépositaires B. L’effet de ce second choix – de cette double articulation – est l’apparition d’un quatrième terme dans la structure du secret: de l’individu ou du groupe D qui n’est ni visé par les contenus primaires du secret, c’est-à-dire assimilé au destinataire C, ni inclus parmi les dépositaires B. Disons de l’intrus potentiel.
En somme, la conséquence inévitable de la communication du secret est la réduplication de son destinataire. L’individu ou le groupe D est bien le destinataire d’un second secret, celui de son exclusion de la communication et du partage. Sa présence est un effet de structure indépendant des contenus des secrets communiqués. C’est sans doute à cette présence que nous devons l’impression que tout secret transcende de quelque manière les contenus particuliers qu’il cache et le personnes singulières qu’il concerne: qu’il est Un secret avant d’être le secret d’un tel ou le secret de ceci ou de cela. Qu’il est, comme le dit Simmel, « une forme sociologique générale qui se tient neutre au-dessus de fonctions de valeurs et de contenus. » En fait qu’il est un fait social en raison non pas de son contenu, mais de sa structure. » (Andras Zempléni)

« Mais ce voyage n’a plus d’importance. Quelques sots croiront qu’il n’a pas su s’adapter à sa première patrie, ou qu’il veut poursuivre sa recherche, ou, plus dérisoire encore, qu’il élabore une « oeuvre ».
Quant à lui, il sait qu’il a entrepris la seule aventure qui vaille la peine d’être tenue jusqu’au bout: celle d’une extrême solitude intérieure. Or, où qu’il aille, qu’il demeure en France près de Bergerac ou qu’il retrouve les Dogons ou qu’il s’enfonce dans l’Amazonie, il n’en a pas fini avec cette quête qui l’exile, de plus en plus, hors de la portée des autres hommes. » (Pierre Sansot)

« Se perdre, conduite souveraine peut-être! » (Vafi Vadsaria)

« Assez souvent, sans doute, il n’y aurait pas de secret. Et cette absence de secret, cette non-existence du secret, serait cachée. Quelqu’un aurait intérêt à faire croire, ou tout au moins à laisser croire, à l’existence d’une énigme. [*] La stratégie serait d’autant plus efficace que l’énigme serait feinte, qu’il n’y aurait rien à découvrir. Le trésor ne serait jamais découvert parce qu’il n’existerait pas et que la quête serait nécessairement sans fin. Nulle déception à redouter pour le chercheur. Jamais il ne pourra dire: « Ce n’était que ça! ». Car « ce » n’existe pas et il peut toujours espérer que « ce » est ailleurs. Et s’il renonce, s’il se dit un jour que peut-être il n’y a pas de secret, il n’en sera jamais sûr et gardera la nostalgie des pistes perdues, des chasses trop tôt arrêtées, des moments plus heureux que le renoncement, que la lassitude.Qui renonce à un secret non encore entrevu ne peut que se haïr, que se mépriser [*] Ou alors le secret feint la provocation, miroir aux alouettes [*] clignotement qui attire, oblige à se déclarer, à agir, à sortir d’un apparent sommeil [*] On fait parade autour d’un secret inexistant, on entoure le néant de précautions, on le ceinture d’interdite et d’obstacles. Par des imprudences calculées, on dissimule le désir même de dissimuler pour laisser supposer que quelque chose est là, à la fois disponible et encore invisible. Ce sont des jeux d’ombres chinoises. On suggère la réalité de ce qui n’existe pas par l’agitation qui environne cette absence, par les ombres et les lueurs qui semblent émaner d’elles. » (Gilbert Lascault)

« De toutes les prothèses qui jalonnent l’histoire du corps, le double est sans doute la plus ancienne. Mais le double n’est justement pas une prothèse: c’est une figure imaginaire qui, telle l’âme, l’ombre, l’image dans le miroir hante le sujet comme son autre, qui fait qu’il est à la fois lui-même et ne se ressemble jamais non plus, qui le hante comme une mort subtile et toujours conjurée [*] Autant dire que la puissance et la richesse imaginaire du double, celle où se joue l’étrangeté et en même temps l’intimité du sujet à lui-même repose sur son immatérialité, sur le fait qu’il est et qu’il reste un fantasme [*] Il en est de même de la scène primitive de la séduction: elle n’opère que d’être fantasmée, ressouvenue, que de n’être jamais réelle. (Jean Baudrillard)

« Tout l’appareil du maquillage anime ainsi la négation d’une absence; il varie, dispose et recompose inlassablement le dispositif de cette négation. Il est toujours, fondamentalement, structurellement pervers: il érige et entretient un visage fétiche, qui vaut pour lui comme la présence positive, exclusive, systématique et rasurante de la vie.
C’est cette perversion qui fait qu’il peut être fascinant; on entend partout défendre le maquillage par la fascination de sa féerie. Mais la fascination n’est jamais que la séduction par la mort. La perversion est la passion des moyens et des médiations, jamais des contenus. [*] D’un visage à l’autre, d’un corps à l’autre, maquillés, c’est la perversion qui s’échange: celle d’un désir amoureux de ses effets. Ne circule et ne jubile que le désir des effets de désir [*] Comme les vampires, nous ne croisons plus dans les miroirs que notre absence accomplie: le système fait de nous les passants et les passages d’une immense circulation acharnée de vide. » (Michel Guillou)

« Et il ne s’agit pas là d’une leçon d’humilité, mais d’un renvoi au travail de creusement de cet écart, manifesté, découvert, non par les prosélytes, les témoins, les militants et les avocats du secret, mais par ceux dont la vie, dont l’ouvrage se sont forgés dans cette distance, s’y sont aiguisés. Leurs noms sont le plus souvent en exil, dans l’oubli, [*] non qu’eux-mêmes se soient tus, cela leur est impossible, mais c’est le risque qu’ils ont pris de se tenir à l’écart qui est oblitéré. Risque qui n’est ni celui de la retraite, du renoncement, de la vie hors-normes, [*] mais celui de choisir l’altérité comme unique référence, de la révéler, de la faire exister. » (Gaétane Lamarche-Vadel)

« Ici ou nulle part, les paroles sont des actes dont la réalisation est immédiate. » (Heinrich Zimmer)

« Le maître dont l’oracle est à Delphes ne dit rien, ne cache rien, mais signifie. » (Héraclite)

« [*] l’erreur est toujours d’accorder du sens à ce qui n’en a pas. Le destin, au sens d’une forme inéluctable et récurrente du déroulement des signes et des apparences, est devenu pour nous une forme étrange et inacceptable. Nous ne voulons plus d’un destin. Nous voulons une histoire. » (Jean Baudrillard)

[Nota dans le blog à l’intention de celles et ceux qui s’interrogeaient sur la signification du mot « erreur » dans le titre de ce que sera (peut-être, un jour) un livre: le mot concerne, éventuellement, l’auteur, ses choix et ses interprétations – et en aucun cas les citations, émanant sans exception de gens que, littérairement et philosophiquement, je respecte et j’admire (ce n’est pas toujours le cas sur le plan politique, loin s’en faut – mais c’est une autre histoire), citations dont certaines, se suffisant, sont destinées à apparaître telles quelles, sans rajout ou commentaire d’aucune sorte, alors qu’avec d’autres j’amorcerai un respectueux dialogue virtuel. Il fallait que cela soit précisé, voilà, ça l’est!]

 

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« Nous ne pouvons vivre sans secrets. Nous en protégeons, que nous ignorions avoir. Nous feignons d’en garder, que nous ne possédons pas. Nous en trahissons. Nous refusons de les livrer. Nous sommes attristés par ceux qui nous pèsent. Nous ne pouvons jouir sans des mots que nous gardons pour nous, sans des images que nous aurions du mal à figurer. [*] Car le secret peut être ce que l’on écrit ou le fait que l’on n’écrive pas. L’on découvre parfois, cousus dans la doublure d’une veste, une photographie, un prénom, une prière ou un blasphème. [*} Partout, toujours, les secrets (vrais ou fallacieux, joyeux ou inquiétants, dérisoires ou non) se multiplient. Contre toute inquisition, nous voulons les protéger. Curieux, nous tournons autour d’eux, mais la révélation nous déçoit si souvent que nous préférons, presque tous, qu’ils restent fermés sur eux-mêmes. » (Gilbert Lascault)

« La question que j’ai posé à cet ami [psychanalyste] était , mot pour mot, celle-ci: « Il faudra bien, un jour, que tu me dises à quels indices tu reconnais qu’une analyse est terminée? »
La question, précédée par le « il faudra bien », était assez grossière. Après quelques instants de silence, mon ami me répondit: « Quand l’un ou l’autre pressent que quelque chose va être dit qui ne doit pas être dit. » (Pierre Dumayet)

« Comme acte fictionnel d’appropriation du mystère, le secret appelle la fascination du dévoilement. Il participe au jeu de cache-cache de la disparition et de l’apparition [*] Le dicible, le manifestable se jouent de la vérité traduite en reproduisant, au coeur même du dévoilement, l’énigme [*] Il y a, à la fois et dans un même moment, l’assurance fantastique d’un sens ressenti, et son renvoi au mystère. » (Henri-Pierre Jeudy)

« L’énigme au contraire est là, d’emblée, de toute éternité, vraie intrinsèquement. Et elle tire sa force de la tension interrogative qu’elle suscite. Elle porte non sur la forme et l’histoire des mots (ou des rites), mais sur leur aptitude à se déployer simultanément sur plusieurs registres de sens, également valides. Béance de la question, écart entre les significations superposées: l’énigme est faite de cet entre-deux [*] dont on pressent bien qu’il n’est pas destiné à être comblé. Il n’y a pas de mot de l’énigme. » (Charles Malamud)

« Existe-t-il encore des lieux retirés, des endroits isolés? les monastères sont devenus des musées, les caves, les greniers, les souterrains, les labyrinthes, les cabanes ont été supprimés, bouchés ou traités comme une architecture du jour. Il existe pourtant des langages pour signifier la pudeur, la retenue, langages qui ne cachent pas, n’effacent pas, qui ne privent pas, mais révèlent la dimension [*] singulière de sentiments, d’actes, de gestes, de territoires. Il existe des visages dont le relief, des peaux dont la tension accusent suffisamment de [*] contraintes contenues pour tenir en respect les questions indiscrètes: il y a des murs qui transpirent tant d’austérité, d’autres qui dégorgent de tant d’humidité et de coulées de verdure qu’il n’est pas nécessaire d’aller voir ce qu’ils cachent, il est des couleurs, des mots dont l’obscurité est plus lumineuse que le jour: pourquoi n’en rester pas là, pourquoi rechercher les causes, explications et justificatives, des raisons cachées à la profondeur qui s’offre, s’avère à la surface? » (Gaétane Lamarche-Vadel)

« Et si l’histoire se reflète elle-même, d’époque en époque, et que le reflet soit toutefois une réponse et un dépassement; et si mon temps intérieur coïncide avec le temps extérieur, s’y confond et le dépasse; et si le temps lui-même – ou l’expérience que nous en avons du fait que nous naissons, vivons et mourrons – se reconnaît dans les événements les plus simples et les dépasse; et si la forme se saisit du temps, s’en rend maîtresse et, maîtresse de l’heure, se dégage de lui; et si la ligne s’incurve en cercle et que la connaissance, l’expérience infiniment renouvelée, fasse revivre l’infini dans le fini; et si ce qui est susceptible de répétition s’en purifie et contredit le temps, l’abolit; et si le fait d’en avoir conscience menait au néant, signifiait la fin et était cependant source de bonheur? Jamais la conscience de l’arrêt du temps ne s’était aussi intensément emparée de moi que pendant ces quelques instants? J’ai pénétré jusqu’au fond de moi-même et je me suis connu totalement. Ce que j’étais, ce que je suis, je le tenais dans ma main, je le pressais contre ma poitrine. Tous les êtres venaient à moi, toutes les choses. Les mots se libéraient de leur sens, perdaient leur propre souvenir et attendaient d’être à nouveau conquis. » (Peter Härtling par l’entremise de Nikolaus Lenau, personnage de roman)

« Le fait moderne, c’est que nous ne croyons plus en ce monde. Nous ne croyons même plus aux événements qui nous arrivent, l’amour, la mort, comme s’ils ne nous concernaient qu’à moitié. Ce n’est pas nous qui faisons du cinéma, c’est le monde qui nous apparaît comme un mauvais film. À propos de « Bande à part », Godard disait: « Ce sont les gens qui sont réels, et c’est le monde qui fait bande à part. C’est le monde qui fait du cinéma. C’est le monde qui n’est pas synchrone, eux sont justes, sont vrais, ils représentent la vie. Ils vivent une histoire simple, c’est le monde autour d’eux qui est un mauvais scénario. »
C’est le lien de l’homme et du monde qui se trouve rompu [*] Seule la croyance au monde peur relier l’homme à ce qu’il voit et entend. Il faut que le cinéma filme, non pas le monde, mais la croyance à ce monde, notre seul lien. » (Gilles Deleuze)

« Admirer, c’est s’étonner qu’une chose soit au lieu qu’elle pourrait n’être pas. » (Marc Le Bot)

[Nota dans le blog à l’intention de celles et ceux qui s’interrogeaient sur la signification du mot « erreur » dans le titre de ce que sera (peut-être, un jour) un livre: le mot concerne, éventuellement, l’auteur, ses choix et ses interprétations – et en aucun cas les citations, émanant sans exception de gens que, littérairement et philosophiquement, je respecte et j’admire (ce n’est pas toujours le cas sur le plan politique, loin s’en faut – mais c’est une autre histoire), citations dont certaines, se suffisant, sont destinées à apparaître telles quelles, sans rajout ou commentaire d’aucune sorte, alors qu’avec d’autres j’amorcerai un respectueux dialogue virtuel. Il fallait que cela soit précisé, voilà, ça l’est!]

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« Notre temps manque singulièrement d’espace [*} » (Kenneth White)

« Le mode de révéler ce qui demeure autre malgré sa révélation n’est pas la pensée, mais le langage du poème. » (Emmanuel Lévinas)

« Nous ne pouvons d’aucune façon fabriquer à partir d’un état servile un moment souverain; la souveraineté ne peut être acquise. » (Georges Bataille)

« [*] le langage n’est qu’un moyen pour nous attirer vers son contraire, qui est le silence. » (Brice Parain)

« [L’artiste] doit vivre de lui-même [*] il lui faut traiter au fond de son âme avec des forces, des notions, des inventaires qui n’ont pas encore de catégorie – des êtres larvaires qu’il doit mettre au monde. » (Victor Segalen)

« Aucun philosophe n’a songé à concevoir le Temps sous l’aspect d’une durée monotone constituée par la succession, selon un mouvement uniforme, de moments qualitativement semblables. Aucun n’a trouvé intérêt à considérer l’Espace comme une étendue simple résultant de la juxtaposition d’éléments homogènes, comme une étendue dont toutes les parties seraient superposables. Tous préfèrent voir dans le Temps une succession d’ères, de saisons et d’époques, dans l’Espace un complexe de domaines, de climats et d’orients. » (Marcel Granet)

« Un voyageur! J’aime ce nom. » (H.D.Thoreau)

« Le destin revêt des formes qui ne cessent de se répéter, ce sont des schémas circulaires [*] » (Jorge Luis Borges)

« Que nous lisions ou que nous fassions l’amour, nous devrions être capables de nous perdre dans l’autre, en qui – j’emprunte à saint Jean cette image – nous sommes transformés [*] » (Alberto Manguel)

« Nous ne pouvons interdire que ce que nous pouvons nommer. » (George Steiner)

« Je ne dis pas que cela ne se trouve pas dans mon livre. Je dis simplement que je ne l’y ai pas mis. » (Cesare Pavese)

« Comment nous attarder à des livres auxquels, sensiblement, l’auteur n’a pas été contraint? » (Georges Bataille)

« Restent les autres, moins suicidaires, mais non moins « résistants », qui ont médiatisé leur refus, l’ont déplacé ou maquillé [*] Je pense notamment aux auteurs qui ont violemment tourné le dos à un certain état du monde dont ils étaient contemporains, en ont fait une pure négativité et ont construit là un dispositif d’écriture ancré dans le deuil d’un autre état du monde, celui-ci déchu, le plus souvent fantasmatique et hypostasié, lui, comme positivité. L’oeuvre alors, construite comme une affirmation unique face à la négation universelle, est véritablement nécessaire: l’écriture endeuillée, mais triomphante y gagne un poids inimitable [*] » (Pierre Michon)

« Chaque oeuvre d’art isolément a un sens indépendant du désir de prodige qui lui est commun avec toutes les autres. Mais nous pouvons dire, à l’avance, qu’une oeuvre d’art où ce désir n’est pas sensible, où il est faible et joue à peine, est une oeuvre médiocre. » (Georges Bataille)

« [*] la littérature est maintenant le champ de bataille des fils sans pères, des fils éternels. C’est cela, la crise de la littérature, la littérature comme crise: tous ces fils sont en révolte contre d’autres fils qui les ont précédés, et non pas contre des pères [*] » (Pierre Michon)

« Je laisse le possible à ceux qui l’aiment. » (Georges Bataille)

« Je crois que les plus grandes oeuvres sont opaques et ajoutent à l’opacité du monde. » (Pierre Michon)

« Je me contredis? Eh bien, je me contredis. » (Walt Whitman)

« Mais ce réel présomptueux, sans médiation, sans mimesis, sans les béquilles de la représentation, du référent, [*] ce réel massif et sans masque me rebute. Ou me fait peur [*] » (Pierre Michon)

« Quand on est amoureux, on commence toujours par se tromper soi-même, et on finit toujours par tromper les autres. » (Oscar Wilde)

« Quelqu’un qui fait la une du supplément littéraire de n’importe quel quotidien lambda pense qu’il est l’écrivain du siècle. Question de coteries. La démocratie fait que nous sommes tous des écrivains majeurs. Ou, de façon plus vicieuse, qu’il n’y aurait plus d’écrivains [*) » (Pierre Michon)

« Une vieille histoire de Jack London me revint à l’esprit, où le héros, appuyé contre le tronc d’un arbre, s’apprête à finir dignement sa vie [*] » (Che Guevara)

« Dahlmann ferma le livre et se laissa tout bonnement vivre. » (Jorge Luis Borges)

« Quand je dis: « C’est ceci, non pas cela », je postule également que ce « pas cela » pourrait, virtuellement sans limites, être autre. » (George Steiner)

« Ben far non basta. » (Dante)

[Nota dans le blog à l’intention de celles et ceux qui s’interrogeaient sur la signification du mot « erreur » dans le titre de ce que sera (peut-être, un jour) un livre: le mot concerne, éventuellement, l’auteur, ses choix et ses interprétations – et en aucun cas les citations, émanant sans exception de gens que, littérairement et philosophiquement, je respecte et j’admire (ce n’est pas toujours le cas sur le plan politique, loin s’en faut – mais c’est une autre histoire), citations dont certaines, se suffisant, sont destinées à apparaître telles quelles, sans rajout ou commentaire d’aucune sorte, alors qu’avec d’autres j’amorcerai un respectueux dialogue virtuel. Il fallait que cela soit précisé, voilà, ça l’est!]

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