« Dans l’espace neutre de toute une fiction occidentale à la fin de la modernité, un pronom sans personnage pourrait dire; « Je parle parce qu’il n’y a plus d’être. »
Apparaît alors un discours qui a son lieu hors de la vérité, des valeurs et des systèmes, sans mythologie, sans rhétorique, un discours du vide, de l’oubli, de l’attente sur un rivage où jamais rien n’arrivera, un discours sans conclusion et sans image, sans vérité ni théâtre, sans preuve, sans masque, sans affirmation, libre de tout centre, affranchi de patrie et qui constitue son propre espace. » (Michel Foucault)
« Il est cette vie en tant qu’elle sort de son inhérence et de son silence, que sa différence la plus propre cesse de jouir d’elle-même et devient moyen de comprendre et de faire comprendre, de voir et de donner à voir [*] » (Maurice Merleau-Ponty à propos du « schéma intérieur » de Van Gogh)
« Nous suivons tous un chemin excentrique, et il n’y a pas d’autre voie pour aller de l’enfance à la complétude. » (Hölderlin)
« Nous ne pouvons interdire que ce que nous pouvons nommer. » (George Steiner)
« Rien n’est changé dans l’acte proprement dit après un pardon: ni les circonstances, ni la gravité, ni la culpabilité, ni la blessure. Rien, sinon la relation entre le bourreau et les victimes, quand les victimes réaffirment leur souveraineté, selon la formule d’une vieille prière anglaise, « sans peser les mérites, mais en pardonnant les offenses ». Le pardon est une prérogative de la victime, non un droit du bourreau [*] Il n’accorde pas l’oubli. » (Alberto Manguel)
« La volonté de réconciliation avec le monde qui préside à l’écriture n’est jamais à la mesure de l’extrême retranchement de celui qui s’est mis en situation d’écrire. » (Pierre Michon)
« [*] oui, la reconnaissance existe, mais pas où on la cherche. Elle ne vient pas après coup, ni des autres. Elle vient d’ailleurs, et pendant qu’on écrit, quand ce qu’on écrit est une grande lanterne éblouissante et non pas cette vessie dégonflée qu’est un livre fini.La reconnaissance, c’est peut-être, c’est assurément, quand seul on écrit, dans la grande émotion d’écrire, dans cet état entre rire et sanglot qui trouve ses mots [*] » (Pierre Michon)
« Il y a une sorte de bêtise, ou d’inélégance, dans la littérature qui semet à penser autrement que par métaphores [*] (Pierre Michon)
« C’est quand même pas possible un monde où on a trouvé le moyen de dresser les uns contre les autres au point que chaque nouvelle génération est totalement affrontée à la précédente sans ces espèces de petites rencontres épiphaniques qui font que, quand même, quelque chose passe [*] (Pierre Michon)
« Eh bien, chaque fibre du corps de Rimbaud, sa vie même le prouve assez, portait tatoué: « Mort à l’auteur »; son corps savait que l’écriture est une fouterie, un rond de jambe, des rinçures comme il disait; et pourtant il ne fut que cela, auteur, en cela il fut des meilleurs, et je crois pouvoir dire que même dans ses épiceries du fin fond de la brousse éthiopienne, il le savait, il ne savait que cela [*] (Pierre Michon)
« Je ne me mets pas à ma table tous les matins, je ne travaille pas de manière raisonnable. J’attends le texte [*] Contrairement à beaucoup d’écrivains qui s’en sortent en écrivant dix pages tous les jours, je ne suis pas graphomane [*] (Pierre Michon)
« Quand on porte la langue à un tel point de perfection, à ce point d’incandescence absolue, sans doute sait-on que ce qui parle à votre place, c’est le Grand Maître, c’est la mort. Le Herr absolu de Hegel. Quand on écrit ainsi, on est traversé par la mort, et certainement que, dans la répulsion qu’avait Flaubert pour lui-même et pour son écriture, il y a cela: la perfection passe par une sorte d’intériorisation du Grand Maître. On tient la faux. On ne peut pas ne pas s’en vouloir de prêter voix à cela, qui est proprement la mort dans le langage [*] (Pierre Michon)
« L’écriture est une pratique de retranchement, de rupture, une pratique solitaire [*] (Pierre Michon)
« Les bûchers n’éclairent que les ténèbres. » (Stanislaw Jerzy Lec)
« [*] le vertige lucide d’une langue qui essaie de redéfinir le monde tandis qu’elle se redéfinit elle-même avec la pleine conscience que, dans un âge encore incertain, la clé de la révélation du monde ne peut être trouvée dans la ligne droite, mais bien dans le labyrinthe [*] (Umberto Eco)
« [*] le frémissement avec lequel nous percevons les frontières ambiguës entre fiction et réalité [*] (Umberto Eco)
« [*] ce qu’on peut imaginer existe toujours, à une autre échelle, dans un autre temps, à la fois précis et lointain, comme dans un rêve [*] (Ricardo Piglia)
« Dans un univers saturé de livres, où tout est écrit, on ne peut que relire, lire autrement [*] (Ricardo Piglia)
« on donne à lire non seulement pour séduire, mais aussi pour maintenir à distance [*] (Ricardo Piglia)
« Celui qui perd détient la distance qui lui permet de voir ce que les triomphateurs ne voient pas [*] (Ricardo Piglia)
« L’homme est au sens le plus littéral un zoon politikon, non seulement un animal sociable, mais encore un animal qui ne peut s’isoler que dans la société. » (Karl Marx)
« E.M. Forster imagina, dans « Aspects du roman », tous les romanciers de différentes époques en train d’écrire en même temps à la table d’une bibliothèque avec toute la littérature à leur disposition. une idée qui, bien sûr, s’oppose à la notion d’histoire littéraire ou de progrès, à l’idée de linéarité et de hiérarchie; tout élément du passé peut être utilisé comme s’il était neuf [*] (Ricardo Piglia)
« L’être nous accable de sa contrainte aveugle et prodigue. Il est toujours « en excès » [*]
Par-delà le bien et le mal, au-delà de la raison et de toute responsabilité sociale et éthique, se déchaîne le besoin de créer, d’engendrer des formes [*] (George Steiner)
« [fonction et but de l’oeuvre selon Hölderlin]: « rendre présent ce qui n’a pas de limite. » (George Steiner)
« Il se peut que, d’Homère à Borges, toutes les fictions durables connues de la littérature soient, dans leur essence catégorique, des histoires de fantômes. » (George Steiner)
« Un poème de Celan est un absolu, bien que lui-même en soit venu à postuler et à décréter sa réalisation impossible. C’est un absolu brouillé avec le langage, brouillé avec l’entreprise littéraire; brouillé avec les critères et les pratiques dominants de la communication [*] » (George Steiner)
« L’auteur n’est pas mort, mais se poser comme auteur, c’est occuper la place du mort. » (Giorgio Agamben)
« [*] présence parente, tout du long talismanique, mais toujours à renégocier [*] » (George Steiner)
« L’ « ébriété » de l’heure créatrice, le vertige autistique qui est le lot de toute pensée soutenue de quelque envergure ne va pas sans gueule de bois. La solitude redouble avec l’engendrement. Quelque chose d’essentiel et d’organique a été arraché [*] » (George Steiner)
[Nota dans le blog à l’intention de celles et ceux qui s’interrogeaient sur la signification du mot « erreur » dans le titre de ce que sera (peut-être, un jour) un livre: le mot concerne, éventuellement, l’auteur, ses choix et ses interprétations – et en aucun cas les citations, émanant sans exception de gens que, littérairement et philosophiquement, je respecte et j’admire (ce n’est pas toujours le cas sur le plan politique, loin s’en faut – mais c’est une autre histoire), citations dont certaines, se suffisant, sont destinées à apparaître telles quelles, sans rajout ou commentaire d’aucune sorte, alors qu’avec d’autres j’amorcerai un respectueux dialogue virtuel. Il fallait que cela soit précisé, voilà, ça l’est!]
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