(Macération à peine dévoyée, détachée du dire, du retapé, du calciné, ne s’abouchant à nul horizon, ne persistant que dans l’inhabité délayé dans la lenteur, les détours croupis, le somnambule maniement du Rien.
Nadir sans confins autres que la lumière qui y consent, la patience du ciel dégarni de ces ombres repliant une fois de plus ce qui ici eut lieu, que nous nous devons d’ignorer…
Imaginer le regard déchirant d’un coup d’un seul l’image surprise en ses chimères, rebaptisant à outrance la conspiration qu’elle seule sut entrevoir.
Involontaire retour, contemplant ce qui fit sauter le verrou rouillé, te concédant le « hors-joints » de ce temps arrondi que la férocité de l’oubli vint érafler.
Glissade soudaine dans la durée d’autrui, dans cet ordre des temps procédant de la même ontologie que le cheval à bascule qui, comme eux, te servit de madeleine, fugueur que rien ne sut user, pas même la survie brûlée à l’aspic que tu fis tienne, toujours mitoyenne, jamais la même.
« Haute couture » is dead, youth is dead (and if not now, will be someday), beauty is dead as well (at least the one you praised and believed in) – so what?
Contretemps, oui, puisque approche l’heure où tout le deviendra; reste le désir, toujours, l’acte qui façonne et relie, ce qui à jamais te précède, t’abrite, te change, t’exalte, te dévêt, t’absorbe, t’embarque, te possède, te cogne, te régit, t’attache, te dévore, te déploie – et qui nous survivra)
[Cela fut, puis vinrent ces temps étranges, hantés par le microscopique créature sans conscience, sans désir, sans volonté et sans haine, surgie sans qu’elle-même le sache pour nous détruire en persévérant en son être – ce que, soit dit en passant, nous rêvons tous de pouvoir faire…
Il y aura, nous dit-on, un avant et un après, ce qui, du moins au sens le plus propre des mots, est ô combien vrai, car un jour cela s’arrêtera, passera comme tout finit par passer, pour le meilleur comme pour le pire. Mais cet après, qu’en sera-t-il?
Pour ce qui est du monde, du grand dehors dans lequel l’on est et l’on vit, celui qui précéda notre venue et prolongera notre départ, il n’y a que les mêmes incorrigibles naïfs à s’imaginer que les blessures cicatriseront toutes seules et vite, que d’un tournemain l’on châtiera les lâches et les vilains, les incapables, les irresponsables, les veules et les salauds qui nous ont menés là où l’on est, que le système au service duquel ils agissent, destructeur de tout, égoïste, aliénant et oppresseur, proprement mortifère car s’appuyant sur ce qu’il y a de plus vil et bas en l’homme, s’effacera de lui-même, laissant, pour ainsi dire sans combattre, la place aux monde radieux annoncé par les messianismes révolutionnaires.
Nous savons, nous, que l’après ne ressemblera en rien à cet idyllique tableau, qu’il faudra, pour que ça change vraiment, qu’on se batte comme avant et comme toujours, bien davantage encore, peut-être!
Qu’en est-il alors du « petit monde », du moi ni louable ni haïssable enchâssé dans ce dedans qui est de chacun comme le dehors l’est de tous?
En ce qui me concerne, la fameuse « distanciation sociale » et le confinement physique n’ont fait que rendre plus fréquentes et étendues les visites de ces esprits silencieux, lumineux, n’annonçant rien d’autre que ce que leur présence libère, détend et projette. Je les entends encore murmurer « thought is free, and so are words », exactement ce que je crois, ce que, envers et contre tout et tous à certaines heures, j’ai toujours cru – seule façon pour moi de pleinement me tenir dans le souci des autres, de m’éprouver leur proche, de les aimer comme je peux et de lutter à leurs côtés, tout en demeurant ailleurs et Autre – seule chose me concernant qui (ni plus ni au-delà, ni en vain épanouie ni par trop délaissée), n’est et ne sera jamais négociable.]
Ne rien amasser pour tout pouvoir dire, déloger la parole des lieux d’accueil et de riposte, de l’ébauche trop près de nous et trop peu d’elle, des dérobades frustrées, des probes refus, des discrètes officines où se trament mises à nu et aveux à la rescousse de ses légataires, et sous leur coupe, de la plaine hors confins où s’étale le lieu vu et vrai que notre entendement camoufle et farde – tout en sachant que nul coup de force ne le prendra en charge – ni la lenteur venue nous perdre, sonnant l’appel, le préservant de tout usage – ni le paysage qui près de nous s’entête – ni le don imprudemment conjuré avant que l’outil suprême en vienne en spolier la tromperie – ni la visée qui tout embrase, s’incurve, nous épaule, nous tient, nous déracine…
L’après ne sera plus comme l’avant, a dit le Président de la communication.
Le brave La Palice s’en est retourné dans son frigo à Rungis. 🙂