« Tout est resté là-bas, les bouteilles, le bateau, je ne sais pas s’ils m’aimaient et s’ils espéraient me voir. » (Julio Cortazar)
« Le mieux: ne pas commencer, s’approcher par où l’on peut. Aucune chronologie, la carte est si brouillée que ça n’en vaut pas la peine. Lorsqu’il y aura des dates au pied, je les inscrirai. Ou pas. Lieux, noms. Ou pas. De toute façon toi aussi tu décideras ce qui te chante. La vie: faire du pouce, de l’auto-stop, hitch-hiking: ça vient ou ça ne vient pas, les livres et les routes c’est pareil. »
(Julio Cortazar)
Vivre c’est dissoudre le toujours, prolonger la traversée, sa respiration penchée, l’espace échevelé où elle dit sans rien raconter; c’est voir autrement, se retrancher de ce qui vient, affermir à tes mesures les nuits d’osier, monnayer les silences sans dedans ni centre, assumer tes virées au pays des goules et des spectres.
Écrire c’est scruter les passages louches / soupeser la bâtardise des présages / aller au devant de ces guerriers, manque au ventre, au ras de l’ombre / comprendre que l’on ne revient de rien, pas même de ses entêtements, de la folie restituant tes charges, s’affrontant à tes dettes / se faire notaire et clochard, gardien du secret, scribe sans parentés / subvertir décors et attributs, détours et gouvernails, fouler le sol rétif, faire l’inventaire des nasses / suivre à la trace le maître des signes, et ses battues / traquer les troupeaux douteurs que seul apaise ce temps jamais subi, soumis ou dénoué / être tout sauf cet Autre grugé par la chair, poids ancien et à jamais premier, qui ne se perd qu’en élisant demeure.
« Quand je suis revenu en France après ces deux voyages, il y a deux choses que j’ai mieux comprises. D’un côté mon engagement personnel et intellectuel dans la lutte pour le socialisme [*] De l’autre que mon travail d’écrivain suivrait l’orientation que lui imprime ma manière d’être, et même s’il lui arrivait à un moment donné de refléter cet engagement, je le ferais pour les mêmes raisons de liberté esthétique qui me conduisent actuellement à écrire un roman qui se passe pratiquement hors du temps et de l’espace historique. Au risque de décevoir les catéchistes et les partisans de l’art au service des masses, je continue à être ce cronope qui écrit pour son plaisir ou sa souffrance personnelle, sans la moindre concession, sans obligations latino-américaines ou socialistes comprises comme a priori programmatiques. » (Julio Cortazar)
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