(Tout vécu est invention des circonstances, choix ou imposition d’un scénario et pas d’un autre. Refuser le choix, mais peser sur les circonstances est la seule forme de pouvoir à laquelle il m’est arrivé de rêver. La seule.)
Dehors il pleut, renforçant cette foutue sensation qu’il est trop tard, sauf à se perdre pour tout refaire / oublier le rien qui vient, le deuil tout autour, les creusets minés, les simulations, les bavardages / savoir accueillir sans vaciller l’instant d’après, définitif comme tout autre, où l’on a mal ou froid, où l’on marche aux côtés du vassal infidèle, ni sorcier ni martyr, qui passe en revue mes vestiges, donne l’accolade au vide, me détourne de ce « temps long » qui ne vaut désormais que pour les autres.
« feindre est le propre du poète / Il feint si complètement / qu’il en arrive à feindre qu’est douleur / la douleur qu’il ressent vraiment » (Pessoa)
J’aime « la vie mode d’emploi » de Perec parce que génial, bien qu’oulipien.
J’aime « Docteur Pasavento » de Vila-Matas parce que fabuleux, bien que postmoderne
(alors que je n’aime ni Oulipo, ni les postmodernes)
J’aime le crée, pas le fabriqué, les comètes, pas les artefacts.
De toute façon, l’écrivain écrit comme il veut, le lecteur aime ce qu’il peut.
Prenons ceci pour un axiome.
(Seules les attitudes ne tiennent pas du hasard, alors que les décisions si – comme celle de causer boutique près d’un mur jaune avec un écrivain, un vrai, vague sourire sur les lèvres, essayant de me convaincre que tout est dans les détails et l’inachevé, pas dans l’énigme dont étrangement on l’affubla…)
« Ceux qu’il voit, ce sont les écrivains de Paris. Pas aussi souvent qu’il l’aurait dans le fond désiré, mais il les voit, et de temps en temps parle avec eux, et eux savent (généralement de manière vague) qui il est, il y en a même qui ont lu deux ou trois de ses poèmes en prose. Sa présence, sa fragilité, son épouvantable souveraineté servent à certains de stimulant et de rappel. » (Bolaño)
L’imagination (ou la fiction, ce qui ne revient pas toujours au même) précède et crée l’existence – je le crois parce que j’en ai besoin, parce que c’est désormais mon seul espoir.
Écrire sans le secours de la règle, échapper au côté rancunier de la langue, ne rien attendre de l’inutile après, se détourner du vaste, de l’obscène, du malhabile, du venimeux, du pétrifié, aller où l’on n’était jamais allé, jeter dans les tréfonds du trou noir qui nous entoure les vieilleries, les foutaises, les doutes, les pollutions, faire signe aux gestes lents, à la poussière banalement envahissante, à ce qui ne coïncide jamais entièrement avec la « saudade », ses faiblesses, ses menaces, ses perversions, ses va-et-vient noueux, ses tiédeurs intolérables.
« Il y a enfin, quand on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse. » (Rimbaud)
(Le temps ne tue que ceux qui lui restent fidèles. Les autres, il les oublie, ce qui est probablement pire.)
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