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Archive for février 2021

Le fragment dit et ne dit pas, s’écarte et se rejoint, garde et menace, cache des choses les fins et sortilèges, le trou noir où ils s’engouffrent, la rumeur du Dehors, le no man’s land où se tiennent les fables qu’il  contredit et dévore.
Ce n’est que vers lui que la langue se déplace, elle qui avance à pas comptés, s’acharne, soigne et dissimule, fait place nette aux mèches qu’il allume et qu’on ne peut trahir, aux abris silencieux, à leurs convoitises.
Car ce qu’il choisit – intrus qui ne s’en laissant pas compter, gardien de ce qu’il ignore posséder – ne se tient pas là où la parole s’offre, mais au lieu où tout est bégaiement dont le réel ne répond pas, lui qui n’en est que l’avant-propos, se retirant pour servir plus tard de monnaie d’échange, séparant sa substance du refus de la livrer, la comblant sans rien recevoir en échange.

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« A line, a white line, a long white line / A wall, a barrier, towards which we drove » (T.S.Eliot)

Cette fatigue de n’être parfois QUE ce que je suis, ce creux de chanvre qui m’épuise, il faudrait des années pour qu’ils s’en aillent, et c’est un capital dont je ne dispose plus.
« Littéralement et dans tous les sens » dernier de ma lignée, je ne prendrai plus ce train en marche vers l’horizon du Même jamais ensemencé, vers les couches de fortune où la parole s’encanaille, vers le leurre qui l’engendre, la rompt, l’étonne et l’écarte pour rejoindre la coquille insensée, la croûte des solstices et le partage des torts.
Il m’en coûte de vous le dire, mais l’autrefois n’est qu’un pauvre lapsus, un enfer creux, un gué envasé, une vestale de caniveau se tenant dans l’encoignure qui n’est déjà plus, singeant des prémices et des preuves la tonte même pas honteuse, dilapidant des meules les ruses, amassant rouilles et semailles, attisant les sursauts des manants pendus aux dernières poutres, liant leurs veines, dévidant leurs suppliques dans l’attente du casse du siècle, et que surgissent de l’oracle les éclipses, les figurants anonymes, les otages à qui tout est mésalliance, l’ombre double qui ne survit qu’au voisinage de leurs feintes, de leurs emprunts, de leurs vaillances, dans l’espoir que vienne enfin à jour ce « quelque chose de différent de tout, qui participe de tout, que jamais on ne pourra connaître: quelque chose d’infiniment AUTRE » (Victor Segalen)

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Cela eut lieu, mais par où commencer?
Il est des matins où la charge se dérobe, où pierre après pierre les disparus te traquent, où il te faut témoigner sans trahir l’insomnie, les jours qui viennent à manquer, l’équivoque des pavois, les tourbières sombres, jouir de ce qui s’offre et trouble, marche sur les eaux, partage avec le jumeau d’emblée perdu la marque qui tient encore, avec d’autres la glaise hospitalière, le gravier crissant sous le pas de l’Aveugle, la chose qui passe et nie, la parole bégayée par les taiseux à qui rien n’est acquis, ni la haine qui les modèle, ni le malentendu qu’il y a sous chacune de leurs morts…

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L’énigme toujours se dérobe, elle qui ne fonde ni ne ruse, n’épouse ni ne rejette, de rien ne diverge ni rien n’affirme tant que l’on n’aura pas compris – nous qui la côtoyons – qu’il y autant de façons de l’accueillir qu’il y a d’humains (vagabonds ou non, dignes ou non de ce mot).

Se tenir debout, prêt à frôler le prompt, le distant, le divers / buter sur les hasards et les emprunts, les socles et les présages, les parentés singulières, les saveurs de l’imprévu, du dédale agile, du regard raréfié / faire nôtres les attributs du mouvant, l’air vicié du possible, l’exigence souveraine qui prend le pli, s’évade de partout sauf de soi, se déprend de la lignée dedans laquelle rien venu du dehors ne s’échange, nous aidant à avoir les coudées franches, nous mettant en route vers d’autres façons de se perdre et se comprendre, vers d’autres vertiges à plier, décaler, dépoussiérer, nous déshabituant des surplombs et des usages, de l’écart jamais comblé, des chimères récalcitrantes – sans jamais morceler, ni accumuler, nommer ou inaugurer…

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« My desolation does begin to make / A better life » (Shakespeare)

Une fois de plus, tout est comme il fut toujours: le ballet des éloges et des rejets, l’entre-soi triomphant, les modes du moment fièrement portées au pinacle par ces baudruches, ces pantins, ces hypocrites et ces cuistres dont le « milieu » littéraire regorge (le mot ne vous rappelle-t-il pas quelque chose: les tractions avant noires, Pierrot Le Fou? eh oui, vous y êtes!)                                   

Raison de plus de se battre jusqu’au bout contre les fausses valeurs, les gourous de bazar auxquels des innocents ou des ambitieux confèrent le pouvoir de faire don d’un peu de génie par imposition des mains, les papes de pacotille d’autant plus impérieux et sûrs de leur bon droit que les fidèles se font rares, les faux partages (pires ennemis des vrais!), les stériles concours d’egos, les pièges affectifs, les fielleuses « séductions » élaborées pour (mal) masquer, au mieux l’indifférence glacée, les omissions délibérées ou les guéguerres de chapelles, au pire, d’inavouables et terrifiantes inimitiés…  

Il y a, certes, de fraternelles exceptions, suffisamment nombreuses pour que tout reste possible, et ce n’est qu’avec elles que je souhaite désormais faire un bout de chemin, ce n’est qu’à leurs côtés que je compte à l’avenir (pour peu que ce mot ait encore un quelconque sens pour moi) avancer afin de rendre, avec leur aide, « visibles » ceux en qui et ce à quoi je crois et, si possible, mes propres travaux d’écriture.                

Je me souviens avoir lu sous la plume de César Aira: « qui espère se trompe: ce qu’il espère et attend a déjà commencé, parfois est déjà fini. C’est le fondement  du présent. » Qu’il ait raison ou tort, j’irai de l’avant, à ma façon tendue vers l’improbable rivage que l’horizon parfois dessine – terre promise ou non, je n’en ai cure désormais, même de rester invisible m’indiffère, sûr que je suis que je ne le serai jamais de celles et ceux pour lesquels ce n’était pas tout vu, mais à qui dix lignes suffirent pour tout voir – mes tant semblables soeurs et frères !

Le temps et les inévitables embaumeurs (qu’ils soient bénévoles ou stipendiés) ont (presque) toujours eu raison des inclassables, des marginaux, des singuliers, en littérature comme ailleurs.  Mais pas de tous: y échappèrent les suicidé(e)s: Plath, Pizarnik, Collobert, Nerval, Bierce, Crane, Cravan, Maïakovski, Rigaut, Crevel, Dagerman, Neveu, Duprey, Essenine, Salabreuil, Celan, Viarre, et puis John Clare, Rimbaud, ceux du Grand Jeu, Dylan Thomas, Artaud, Walser, Lowry, Armand Robin, Georg Fauser, Nichita Stănescu, Seebald, Pessoa, et j’en passe – les seuls aux côtés desquels il me plairait humblement d’y être un jour reconnu, les seuls qui demeureront lorsque se seront épuisées jusqu’aux routes infinies du temps, même si, comme l’écrivit Celan: « Personne ne nous pétrira de nouveau de terre et d’argile, personne ne soufflera la parole sur notre poussière. Personne. »

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