(sauf indication contraire, toutes les citations – en italique et entre guillemets – en sont extraites)
* Par amour, le narrateur de « L’invention de Morel » de Bioy Casares accepte, même en sachant qu’il y allait de sa vie, de se glisser dans une réalité que l’on appellerait de nos jours « virtuelle » (mais que Manguel appelle « perpétuelle »), finit par y parvenir et en paie le prix. D’un autre côté, si l’immortalité n’est que « persévérance de la mémoire », comment ne pas voir que de fait c’est ce même narrateur qui a gagné, à jamais? Qu’aurais-je fait à sa place? Probablement la même chose, ce qui m’aurait offert à la fois l’impossible bonheur et le regret de ne pas pouvoir tracer ces lignes…
* Entrevoir « la bibliothèque comme doppelgänger », savoir faire de la lecture (« cette tâche confortable, solitaire, lente et sensuelle ») une vraie « conversation » est sans doute un privilège, et il est de notoriété publique que je suis pour leur abolition à tous. Je ne crois néanmoins pas vous surprendre en avouant que celui-ci serait à n’en pas douter le dernier de la liste…
* « Maintenant que je commence à pressentir la certitude d’une fin, j’apprécie d’autant mieux tout ce à quoi je me suis habitué: mes livres préférés, les voix, les présences, les goûts, l’environnement, en partie parce que je sais que je ne serai pas toujours là. »
Rien d’autre, rien de plus – et, surtout, pas mieux!
* « Les amis que j’ai en mémoire sont figés dans le temps, comme saisis par une pellicule photographique. Ils ont l’âge qu’ils avaient la dernière fois que je les ai vus: je ne suis pas sûr qu’ils me reconnaitraient aujourd’hui. Ils sont ce que je sais du passé. »
Tout comme il en va, simultanément, de « l’influence de l’avenir » sur ce dernier, comme le disait si bien le Morel de Bioy s’adressant à sa bien-aimée Faustine (comme j’aimerais savoir ce qu’en diraient de cela Claire, Branca, Isa, Françoise, Zaïra, Martine, Sirlene, Alain, Hélio, Guilhem, Thierry, François et quelques autres!)
* Qu’est-ce le Brésil pour moi (outre la patrie choisie, celle dont nous rêvons tous que la vie nous en fera un jour don) sinon « la distance en soi, l’archétype de l’ailleurs »?
* « Ma nouvelle chambre / est vaste, plus vaste en tout cas / que ne sera mon tombeau. » (Bakr-al-Sayyab, poète irakien cité par Manguel)
Je m’efforce de ne pas trop y penser, L’agir (dans ce qu’il accomplit, voire dans sa possibilité même) est à ce prix.
* Si « nous ne voyons que ce que nous nous attendons à voir », si nous sommes si souvent incapables de comprendre que « le moindre cadeau du hasard » vaut toutes les richesses du monde, c’est parce que, épris de finitude même si nous passons notre temps à nous persuader du contraire, « nous ne choisissons que ce qui demeure », peut-être seule manière de « contrebalancer l’absence », celle qui ne s’incarne ni en ceci ni en cela, qui n’a ni nom ni visage…