
Oublions d’emblée les faiseurs, les truqueurs, les besogneux frappant à toutes les portes, les diseurs de bonne aventure, les éveillés aveugles / les tueurs de grands mots oublieux de tout, ceux qui éructent, désossent et désavouent, farfouillent parmi les tics, les leurres et les déroutes, mutilent et gaspillent, encagent la durée, hantent confusément les passages, font les fiers nous abreuvant de leurs postures, de leurs brouillons, bouillies et griffonnages / les éreinteurs de la lettre se tenant au chevet du doute, troupeau s’en allant joyeux vers la chute où tout est fausse écoute qui s’attarde, heure s’écoulant sans rien alléger, illusion grosse du vacarme se rêvant affranchi de la langue, oubliant que cela ne se peut ni en arrière de nous, ni devant, ni jamais.
Quittons-les au profit du tribut endigué disant de son ombre juste ce qu’il faut pour qu’on l’oublie, au profit des sources, des fables et des intrigues, au profit du singulier et du divers qui rien ne révèlent, disposant de nous sans à rien consentir, au profit des couvées par où le jour advient, au profit de l’explosion des temps, pas dans le temps, au profit de l’abandon qui porte le fer dans la chair de la langue, la déchirant et répétant jusqu’à l’épuisement, au profit de l’adieu toujours en réserve, au profit de la mort dépouillée de tout lieu, dénouée de tout présent, au profit du dérèglement à éparpiller que le Réel exige pour nous en défaire.
Nous ne disons pas « tout est fictif » au sens où la littérature serait la vie, nous disons « la vie est quelque part littérature » parce que sans désemparer inventée, tenue et tentée par l’irréalité et la non-adhérence, lesquelles n’empêchent ni ne brident en rien le faire, mais le relativisent comme si tous l’on était, tant que nous sommes, éloignés en toutes directions mais jamais séparés, à la fois spectateurs et juges de nos actes, par eux accrus et abrégés.
(octobre 2022)
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