Retour aux longs parcours dans cette ville dans laquelle tu t’es toujours reconnu, souvent comme si c’était la toute première fois, parfois comme si tu en prenais congé. Nul doute désormais que le « temps retrouvé » (absurde illusion ou vraie conquête proustienne) ne s’offre qu’à ceux qui font voeu de tout sacrifier à sa vaine recherche. Tu n’en fais pas partie.
Tu te trouves depuis plusieurs jours plongé dans l’univers d’une absolue noirceur de Mariana Enriquez (illustré en l’occurrence par « Ce que nous avons perdu dans le feu »). « Plongé » te semble un peu faible, « noyé » serait sans doute plus précis, surtout en songeant à combien le Shakespeare de « Macbeth » en aurait goûté la lecture, lui qui savait comme peu que seule est définitive la nuit après laquelle le jour ne se lève pas – coda, parfois délivrance.
Écrire, ça sert – entre bien d’autres choses – à effacer ton reflux en Autrui comme à te défaire de ses pouvoirs. Ce que tu es, vis et fuis a-t-il quelque chose à y voir? Si la réponse est « oui », l’heure est venue d’arrêter, et vite!
La camarde, tu n’en a jamais eu peur. Comme tu n’as à aucun moment regretté (ou alors si peu) ce que dans cette vie il t’a été donné de faire, dire ou écrire, la seule chose qui t’effraie parfois à son approche, c’est ce que tu ne sentiras plus, n’accompliras plus, ne boiras plus, ne caresseras plus, ne verras plus, ne liras plus, n’écouteras plus, n’éprouveras plus, le possible amenuisé jusqu’à l’extinction – pas du monde, juste la tienne.
Reçu de Marc V. des textes écrits (en symbiose et pleine complicité et connivence) avec Lucien R. Lecture lente, hachée, suivant émerveillé les volutes et méandres d’une pensée en perpétuel mouvement t’accompagnant subtilement et fermement à la fois jusqu’au postulat qui en est substance et conclusion, à savoir que la lecture est avant tout amitié dans toute la dense polyphonie du terme. Qu’ils soient remerciés par ceux qu’ils ont aidé à en prendre conscience comme par ceux qui le savaient depuis le tout début…
La seule loyauté qui pèse pour de vrai est celle envers soi-même. Elle conditionne et éclaire toutes les autres.