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Archive for the ‘élucubrations’ Category

« Espace d’une parole toujours plus raréfiée et, dans un même temps, presque monstrueusement dense, comme une singularité de la physique. » (Andrea Zanzotto)

Langage qui rejette et rejoint, rebelle à toute origine, don qui s’offre comme hors d’atteinte, dépossédé de l’attente comme de la jouissance, soustrait à toute mainmise, excédant tout pouvoir, tout alibi, toute poussée, toute fissure...

« Ce dont on parle, on ne l’a pas. » (Novalis)

Il y a dans toute parole une forme de violence contre ce qu’elle nomme et, davantage encore, contre sa promesse – préservant néanmoins ce qu’il faut de distance pour ne pas entièrement l’en dessaisir.

« Écrire est une dépossession infinie, une mort sans pause possible. » (Enrique Vila-Matas)

Mais de que poids pèse-t-elle face aux feuillages dans le lointain, aux masques jamais taris, aux butins furtifs, aux Bastilles d’ombres sourdes, à l’avènement que tout ronge et que rien n’interrompt, à la fumée sans maléfices, au rappel qui endurcit, à la résille éperdue, au déni modelant puis renvoyant, au parjure où s’engluent les départs, aux reculs au large, à l’archet des traîtres?

« Tous ces mots autour de nous, où les enterrer sinon dans le langage? » (Adonis)

Dénégation murée en loi, travestie en ce qu’elle ampute et cisaille, parole truquée toujours en quête d’une visée à investir pour en cicatriser l’adieu, en exténuer l’étreinte, en effacer les vestiges que conjure le spectre du Même…

« L’oeuvre écrite produit l’écrivain et atteste de son existence, mais, une fois faite, elle ne témoigne que de sa dissolution, de sa disparition, de sa défection et, pour le dire brutalement, de sa mort qui, par ailleurs, n’est jamais définitive. » (Maurice Blanchot)

Sauf si ladite oeuvre n’est pas parodie de ses naufrages, mais legs ultime, talisman abouti, fête libérée de « la trop longue parole » – ce qui eut lieu sans qu’on ait à le dédaigner, en attendant qu’on en partage les chutes et les présages.

« Le langage pense plus loin que nous. » (Kenneth White)

Pressentiment allant au-delà de la perte dont il sait garder la trace et, tout autant, défection du sens, chiffre perdu, arsenal de fulgurances, Beauté murant débris et lacunes ravivant à leur guise le babil qui l’ordonne et consume.

« Je ne me mets pas à ma table tous les matins, je ne travaille pas de manière raisonnable. J’attends le texte. » (Pierre Michon)

…à l’heure qui raccourcit les ombres et desserre les pièges, tout ayant déjà pris place dans la justesse des voeux, les présages craints, le feu raccourcissant les chuchotements engourdis, le retable nocturne, l’étrave corrompue…

« Il se peut que, d’Homère à Borges, toutes les fictions durables connues de la littérature soient, dans leur essence catégorique, des histoires de fantômes. » (George Steiner)

Fantômes, oui, crénelures du vide, retards faisant mûrir l’épreuve, nous conviant à la dispersion sur laquelle tout se clot, elle qui engendre et embrase, rompant de part en part la nuit se mesurant à qui la parachève, lui porte secours, la dissimule dans le langage…

« La somme des décisions sans appel, fragiles et subtiles qu’implique toute première page est à donner le vertige. » (Julien Gracq)

…alors que se penche à son chevet la chamane que la fuite dévêt dans la hâte des ébats, de l’abri aux jeux équivoques, des tourments du nom, des fables que le Réel rejoue, des survols et des prophéties, des pluies pensives, des manques jamais comblés, du glaive brandi pour que l’enfance enfin revienne!

« La langue est ce qui se passe, l’événement qui a lieu entre les événements que la langue raconte. » (Natacha Michel)

…disant l’heure éperdue où rien ne meurt ni ne devient, la route allégée des rechutes, les longs détours en elle et plus loin qu’elle, braise sans apanages, injure faite au désir collé à ses rouages…

« Tout est transport (c’est, je le rappelle, le sens étymologique du mot <<métaphore>>) » (Olivier Rolin)

…l’assiégeant dans ses refus, la dépouillant de ses doubles, la contraignant à ne voir que le jamais-vu – prodige ou filiation, qu’importe, puisque mué en ces paroles dont le mors toujours se dérobe à notre vigilance.

« Avec le style, c’est la langue qui détient maintenant les puissances de captation, de suspens, ni déléguées à une machinerie ou à une machination, ni subordonnées à une intrigue. Car la langue est désormais elle-même une mise en fiction. » (Natacha Michel)

…et, par là même, mise en rumeur qu’aucun môle n’arrête, silence qui seul sait discerner ce que dire veut du maquillage dont on le pare, déni des apprêts et des chronologies, ruses de l’exil qui le ratifie…

« L’acte d’écrire n’est pas un discours. Le discours mène, logiquement, quelque part. L’acte d’écrire, au contraire, est ouverture. » (Kenneth White)

Et, tout autant, parole soustraite à la dictée du Rien, parole vraie puisque vacante et destinée, au sens plein, à le rester, inavouée rancune qu’accablent secousses et hasards, docilité des volières, fils de la vierge apprivoisés qu’elle s’interdit de déchirer…

« Quand la métaphore surgit, c’est pour entailler l’écrit, le traverser jusqu’à la langue, qui le devient parce que s’y faufile un <<qui parle?>> » (Natacha Michel)

Elle ou lui, maîtres du fauchard assoiffé de ronces, du regard abjurant la lumière qui le démentit, de la balafre qui ne dit rien de l’Autre et peu de soi, de la parole d’imposture nous approchant « de seuil en seuil »…

« La poésie habite le pays des bords. » (Stéphane Bouquet)

…pas l’inespéré à laquelle parfois elle se voue, mais l’écart gardant inentamé qui le porte sans en dévoiler la saisie, le manque avec lequel il lui faut cohabiter, fût-ce en le déguisant…

« Le recul, c’est aussi la réaction de l’arme suite au tir effectué, histoire de vous rappeler qu’il n’y a pas que la cible de fragile. Tout reste à fourbir. » (Claro)

Entre les fausses offrandes du futur et les éraflures du passé, délivrer l’Autre de l’essaim par où il nous accueille, mais que d’autres viendront broyer, assouvissant venins et foulées, profanant, non pas le temps engourdi, mais la flamme qui toujours exorcise et toujours contredit.

« Pas d’actions sur la langue, mais des actes dans la langue. » (Natacha Michel)

Se récuser au vouloir d’un Grand Jeu dont on nous dicterait les règles, assurant sa reproduction sans limites, celle-là même qui finirait par le tuer, car la différence ne veut départager que pour mieux agglutiner, faire place nette aux prédateurs de l’ombre…

La poésie: ni érosion ni tassement, mais reprise en main couvant ses remords, durée corrodée, cortège sans torches, guerre nourricière, marée happée par la lune des morts, parole chiffrée glissée entre chose et regard…

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p e c

« Aucun nouveau qui saisisse ce qui ne fut jamais. » (Natacha Michel)

« La somme de décisions sans appel, brutales et subtiles qu’implique toute première page est à donner le vertige. » (Julien Gracq)

« Je ne me mets pas à ma table tous les matins, je ne travaille pas de manière raisonnable. J’attends le texte. » (Pierre Michon)

« Assieds-toi. Déjà le tourment s’habille du chiffon de l’obligation. C’est l’heure de commencer l’ouvrage. » (Rafael Cardenas)

Depuis un bout de temps déjà, j’ai constaté que je lisais de moins en moins de nouveautés littéraires (en ne me référant qu’aux « vraies » lectures, celles allant en continu de l’éventuelle préface à la possible postface) au point que pendant les 2-3 dernières années le « de moins en moins » s’est mué en « presque plus du tout ». Par contre je relis fréquemment les autrices et auteurs que me « parlent », celles et ceux dont je me sens proche littérairement parlant (parfois « pas que ») ou alors dont les présupposées et la pratique se situent très loin, voire aux antipodes des miens, mais avec la production desquelles et desquels un dialogue fécond peut s’instaurer, celles et ceux, enfin, qui – en me limitant au domaine français et aux vivants – me font me précipiter en librairie dès l’annonce de la parution de leur dernier ouvrage que j’aime feuilleter paisiblement avant d’éventuellement en faire l’acquisition (pour peu qu’il ne comporte pas plus de 180 pages, taux généreusement accru par rapport à l’habituel qui en limite le nombre à 150). Leurs noms, je n’en fais pas mystère; la liste ci-dessous n’étant pas exhaustive, une quantité raisonnable d’oublis apparait comme malheureusement inévitable s’agissant d’un ex- (boulimique) lecteur – et je confesse sans qu’il faille me torturer quelques absences totalement délibérées et assumées…

La voici (par ordre strictement alphabétique afin d’éviter tout soupçon de vouloir « hiérarchiser » la chose): Jakuta Alikavazovic – Jacques Ancet – Philippe Annocque – Patrick Autréaux – Lucie Azéma – Jean-Christophe Bailly – Andréas Becker – Bruce Bégout – Pierre Bergounioux – Arno Bertina – Laurent Binet – Marie-Claude Blais – Xavier Boissel – David Bosc – Stéphane Bouquet – Daniel Bourrion – Antoine Bréa – Mathieu Brosseau – Nicole Caligaris -Manuel Candré – Jean-Philippe Cazier – Pierre Cendors – Sorj Chalendon – Éric ChevillardClaro – Philippe Claudel – Frédérique Clémençon – Fabien Clouette – Sylvain Coher – Claude-Louis Combet – Marie Cosnay – Antonin Crenn – Jacques Darras – Julia Deck – Pierre Demarty – Sébastien Doubinsky – Pierre Ducrozet – Pierre Escot – Christophe Esnault – Jerôme Ferrari – Frédéric Fiolof – Laurent Gaudé – Hélène Gaudy – Virginie Gautier – Philippe de la Genardière – Patrick Gibourg – Marc Graciano – Fred Griot – Laurent Grisel – Célia Houdart – Sabine Huynh – Anne-Sylvie Homassel/Salzman – Régis Jauffret – Christine Jeanney – Philippe de Jonkheere – Jean-Yves Le Jouannais – Maylis de Kérangal – Lola Lafon – Marie-Hélène Lafon – Michèle Lesbre – Luvan – Quentin Leclerc – Gérard Macé – Marielle Macé – Arnaud Maïsetti – Laurent Mauvignier – Pierre Ménard – Sébastien Ménard – Juliette Mézenc – Natacha Michel – Pierre Michon – Céline Minard – Patrick Modiano – Denis Montebello – Éric PessanClaude Ponti – Cécile Portier – Lucien Raphmaj – Jacques Réda – Nicolas Richard – Guillaume Richez – Jean Rolin – Olivier Rolin – Sébastien Rongier – Olivia Rosenthal – Jacques Roubaud – Mathilde Roux – Lionel Ruffin – Camille Ruiz – Dominique Sampiero – Lou Sarabadzic – Anne Savelli – Eugène Savitzkaya – Joachim Séné – Pierre Senges – Jacques Serena – Anne Serre – Didier da Silva – Lucie Taïeb – Pacôme Thiellement – Tiphaine Touzeil – Stéphane Vanderhaeghe – Fred Vargas – Laura Vasquez – Romain Verger – Marc Verlynde – Thomas Vinau – Benoît Vincent – Pierre Vinclair – Guillaume Vissac – Antoine Volodine – Eric Vuillard – Antoine Wauters.

J’imagine que d’aucuns regarderont peut-être qui n’y est pas plutôt que de se pencher sur qui s’y trouve, mais qu’y puis-je?

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vest 5

Retour aux longs parcours dans cette ville dans laquelle tu t’es toujours reconnu, souvent comme si c’était la toute première fois, parfois comme si tu en prenais congé. Nul doute désormais que le « temps retrouvé » (absurde illusion ou vraie conquête proustienne) ne s’offre qu’à ceux qui font voeu de tout sacrifier à sa vaine recherche. Tu n’en fais pas partie.

Tu te trouves depuis plusieurs jours plongé dans l’univers d’une absolue noirceur de Mariana Enriquez (illustré en l’occurrence par « Ce que nous avons perdu dans le feu »). « Plongé » te semble un peu faible, « noyé » serait sans doute plus précis, surtout en songeant à combien le Shakespeare de « Macbeth » en aurait goûté la lecture, lui qui savait comme peu que seule est définitive la nuit après laquelle le jour ne se lève pas – coda, parfois délivrance. 

Écrire, ça sert – entre bien d’autres choses – à effacer ton reflux en Autrui comme à te défaire de ses pouvoirs. Ce que tu es, vis et fuis a-t-il quelque chose à y voir? Si la réponse est « oui », l’heure est venue d’arrêter, et vite!

La camarde, tu n’en a jamais eu peur. Comme tu n’as à aucun moment regretté (ou alors si peu) ce que dans cette vie il t’a été donné de faire, dire ou écrire, la seule chose qui t’effraie parfois à son approche, c’est ce que tu ne sentiras plus, n’accompliras plus, ne boiras plus, ne caresseras plus, ne verras plus, ne liras plus, n’écouteras plus, n’éprouveras plus, le possible amenuisé jusqu’à l’extinction – pas du monde, juste la tienne.

Reçu de Marc V. des textes écrits (en symbiose et pleine complicité et connivence) avec Lucien R. Lecture lente, hachée, suivant émerveillé les volutes et méandres d’une pensée en perpétuel mouvement t’accompagnant subtilement et fermement à la fois jusqu’au postulat qui en est substance et conclusion, à savoir que la lecture est avant tout amitié dans toute la dense polyphonie du terme. Qu’ils soient remerciés par ceux qu’ils ont aidé à en prendre conscience comme par ceux qui le savaient depuis le tout début…

La seule loyauté qui pèse pour de vrai est celle envers soi-même. Elle conditionne et éclaire toutes les autres.   

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Dans  la ville aveugle mille et une convoitises, dans son cocon la mort s’étire, se pend à tes basques, se fait bouclier, tire le signal d’alarme.

Le jadis s’éparpille et te mord. La vérité est chien fou qui n’est à personne. Ils te prêteront le bleu sans tain, l’empreinte des pas en loques, la lumière tapie dans leurs plis, la cadence amincie, le chiffre sous l’écorce.

Au loin, là où tout crisse et s’écarte, la nuit moite joue aux osselets. On l’oubliera pour toi.

aj7

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Anonymous imperative silence

On peut décider d’essayer, ou alors fuir, se cacher dans l’amnésie opportune, s’éloigner de soi comme de la peste de part en part traversée qui t’accompagne et te rappelle ici, en ce lieu, à cette heure où se tient au premier rang la louange inutile. Tu ne sauras qu’alors débusquer la réalité toujours plus pauvre que ce qu’elle cache, te débarrasser de l’ortie paresseuse venue sans nom à ta rencontre, des copistes dans le froid du soir piétinant les derniers pavés, de l’air cousu au-dessus des marais, de l’araignée happée par la paille radoucie, les réveils et les sermons, leurs parures d’algue et de rouille.  

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