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Archive for février 2023

Cela vient de bien plus loin, mais depuis deux ans je lis fort peu de livres nouveaux, me contentant de ceux entamés, puis oubliés, puis repris, puis à nouveau abandonnés et, bien entendu, des vieux « compagnons » m’attendant sagement dans les rayonnages, ceux qui depuis longtemps (devrais-je dire « toujours »?) m’accompagnent. Poussé sans doute par le secret désir d’y être, je relis d’un trait les écrits de Tabucchi ayant trait à Lisbonne, puis le livre de Volodine où elle est présente dès le titre. Je me replongeai guidé par la mémoire dans cet univers où l’on est à la fois chez soi et en transit, cette ville qu’on parcourt sans que jamais la traversée l’épuise, ces lieux que la « saudade » recouvre, incruste, empile, étale. Ce fut d’abord ce « Requiem » où le plus portugais des écrivains italiens me fit vivre un périple à nul autre pareil, folle équipée où tout n’est pas fiction, mais peut à tout instant être perçue comme telle. Puis ce fut « Le jeu de l’envers », premier récit du recueil auquel il fournit le titre, tourbillon où le réel se trouve sans cesse en porte à faux, masques, miroirs et sortilèges lisboètes renvoyant tous à l’une des plus inépuisables figures féminines forgées par Tabucchi, Maria do Carmo Meneses de Sequeira, laquelle non seulement y naquit et vécut, mais en incarna comme personne l’heure sorcière par où l’illusion  remonte, la fatigue du pacte, la nuit sur laquelle la mort elle-même se casse les dents tout en prenant ses aises, extorquant pourvois et cisailles à ces lieux où presque rien n’est comme « ça » se devrait d’être, mais bel et bien itinéraire de l’effacement, instant arraché à l’informe, à l’infime, à l’infâme, « ultime marge » (oh Volodine!), fêlure y puisant ses contradictions, se tenant prête pour l’été vide et rare, ultime rappel à l’ordre, fenêtre par où l’on s’obstine à regarder l’horizon ni buté ni empêché, comme si le galion de Don Sebastian pouvait d’un instant à l’autre surgir de la brume…

La métaphore ne tourmente nullement ce qui sans elle tiendrait en une ligne : elle EST cette ligne.

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