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Archive for septembre 2018

Peut-être faudra-t-il réviser nos actes, placer les inventaires avant le point à la ligne, la traversée sur laquelle on se rue, l’usure du devenir, les tares qu’on épuise, les lichens, les fuites, les brouilles du dard et du pourpre…
Peut-être faudra-t-il naviguer avec les serpents, fuir la discontinuité des galets, l’illusion de l’imprévu qui parfois de nous s’empare, tend les paupières, s’émousse langue après langue, éteint les préludes, rend clandestines les nuées, les sceptres des bouffons, l’ignominie des jours et leurs haines enjôleuses.

De quoi les héros ont-ils besoin, sinon de sorts modelés à pleines mains, de sillons jaunis, de serres domptées, de paumes vaincues allégeant les grains du sablier, de voleurs de cendres enchaînés aux brièvetés de nos éveils, d’acrobates épris des fourmis que l’on contemple, des vers de terre saluant nos revers, comme si la seule récompense était de mourir encore davantage?

Le désir que la pensée pourrit n’est plus rien, ni l’épine que réconfortent, imprègnent et renversent le mensonger toucher des certitudes, l’avancée qui sur elles louche et les dément, le doigt sur la gâchette et le vain vol d’Icare…

Il n’y aura bientôt que cela à dire, et à redire: les épaves sur le port, les maisons  impassibles, les ravins aux soupirs noyés, les aubes qui sèchent et engloutissent,, les bas-ventres fléchis, les gestes aplanis, les lieux que les pèlerins jadis raillés abandonnèrent, l’appel de l’orage que délabre le retour de ses maîtres, la pente qui s’abaisse d’un coup sur le visage déjà autre, le ruissellement empiétant sur la voix esseulée de l’oracle, l’éclosion des dais et des charnières, sachant mieux que nous qu’une nuit, quelque part, tout en bas, il pleuvra enfin sur la rumeur de nos pas, les attouchements qui s’éloignent, l’inlassable invite de la chambre des morts.

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  Somnifères?

À Marianne et à Hugues, en amitié

Si depuis un bon moment déjà je lis peu de romans (de préférence pas trop longs), ce n’est pas seulement en raison de mon aversion pour ceux des romanciers qui s’imaginent (fût-ce sincèrement) que le genre qu’ils vénèrent et, surtout, la manière dont ils le pratiquent couvre et épuise le champ entier de l’écriture, mais aussi (peut-être surtout) parce qu’il me semble qu’une certaine manière de bâtir, élaborer, fabriquer (et vivre parfois par procuration) ce qu’ils nomment « fiction » fait partie de l’Histoire (du passé donc, pour être clair), et qu’elle n’en sortira plus, en tout cas pas indemne.
Les seuls textes un tant soit peu fournis qui m’emportent, m’importent et m’enchantent encore sont ceux sans assignation possible, multiples, éclatés, hybrides, bricolés, ovnis qui tiennent du journal, de l’essai, du rêve éveillé, de la réflexion éparpillée, du monologué disloqué, de l’anticipation ou de la dystopie, du carnet de notes et de voyage, de l’enquête acérée débroussaillant à sa guise crimes et mystères, de la méditation et du délire, blocs déterrés faits de bribes, de lambeaux, de copeaux  (tout ce qu’on n’imaginait pas qu’ils pourraient être et surtout pas ce que la couverture aurait voulu nous faire croire qu’ils sont), à la narration presque absente, ou alors dense, mais mince, ou au contraire ramifiée jusqu’à perdre pied et s’en perdre, avec dedans peu de personnages, mais beaucoup de Réel, se cognant de plein fouet à la langue, mais peu aux « réalités » qui nous obscurcissent,  patients et silencieux viviers dont le sujet et l’objet est avant tout le langage, la façon dont il tord, divise, magnifie et recompose ce monde, ces êtres et ces choses qui, si l’oeuvre mérite son nom, finissent par être lui, n’existent que par lui, ne s’effacent qu’en lui, ne nous tiennent qu’à travers ce que l’écrit a fait de lui

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Le destin est rarement sans merci, indifférent à peine, comme l’est l’aube qui sous son poids défaille – l’exorcisme qui s’entête – le tambour entravé – l’aveu souillé – la respiration qui nous mâche et s’en va – l’effroi au gré des miroirs – l’ocre et le brun – l’instant acéré des adieux, de leurs absurdes primeurs le vain spectacle – l’écho tendu vers la pitance et la cendre –  l’auberge brûlée que l’on appelle mémoire – les flancs lents du fleuve –  la griffe qu’on envie au fugace – le dur refuge et ses fidèles paresses – le puits où, effondrés, préservés, l’on nous jette – l’amulette qui nous signe, nous trahit et nous console.
Pourquoi ne pas boire alors, un doigt sur les lèvres, aux répits du monstre, aux nécrologies convenables, aux crabes de la dernière heure, à l’obscure lisière d’où viendra enfin la récompense?

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Rien ne manque à l’oracle, rien – sauf ce qui rôde et distingue.

Beckett disait: « bon qu’à ça », nous disons: « à quoi bon? »: comment savoir laquelle des deux sentences promet davantage?

Défoncer l’attente, on s’y est mis avec hargne, nous en éloignant pour ne pas nous survivre. Il fallait, plus tôt qu’à leur tour, en passer par là pour qu’à l’heure des adieux et des métamorphoses, nos vies se vengent enfin de l’époque – sachant pourtant qu’il n’y a, au bout de tous comptes, ni épreuve fortuite, ni solitude périssable, ni ordre qui sache nous exaucer…

Qu’en sera-t-il du témoin qui reçoit et ne prend pas, de l’étendue bricolée, du tracé celé à nos regards, de l’instant imprécis qu’on dissimule aux assassins?

Écrire, c’est s’exclure de soi, exact et absolu contraire de toute forme d’exhibition – meilleure manière, elle, de s’y complaire.

Ce n’est qu’à nos dépens qu’on sait berner l’imprévoyance.

Que faire si d’un coup tout est si loin, une autre fois, plus tard: les lacunes, les semailles, les soirs impairs, les choses qu’on appelle au secours, les détours qu’on garde, les mutilations précoces, les dégels qui s’empilent, l’araignée obstinée et la haine des possibles qui exhaussent et amenuisent?

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Nous, on s’acharne, on ne dort pas,

on laisse à d’autres les gros outils,

les grues, les treuils, les forges,

le lieu vacant qu’on voudrait défoncer,

les vœux piétinés, la peste qui fait ses comptes,

l’horloge inouïe, l’arsenal pour rire,

l’arrière-goût du plomb et du cuivre,

les parvenus se goinfrant de louanges,

les colporteurs plumant la mémoire,

la parole sèche et mal payée

qui perce, anéantit la règle,

crève l’oeil des cachots,

le piètre bouillonnement des apparences.

Il ne nous reste qu’à gravir le rebours,

ce qui, trop bas, trop rond, ne déchiffre que lentement

la fièvre qu’on partage, la rancune qu’on ampute,

la méfiance des conjurés dans le ventre du monstre,

les pantins qu’on épie, les mutants et leurs théâtres.

Oui, tout arrive trop tard, plus rien ne tient debout,

les tortionnaires lavent leurs cerveaux à l’eau des heures,

s’abîment dans le bruit des cordes,

reprisent les haillons, déchirent les nécrologies.

Bientôt vous nous verrez disparaître

dans l’étendue trouée, le geste qui l’éparpille,

l’épidémie qui fait boire,

détraque les rites, écarte des chimères

la traversée qui nous sépare des pierres,

des lèvres, des coïncidences,

des jetées que nos feux abritent,

de l’écho parcourant ces couloirs

que déjoue le poids du désir qu’on expie,

par qui, ravagés, l’on jouit et l’on tombe.

(2018)

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